Roman graphique créé entre 1981 et 1992 par le génial Will Eisner (1917-2005), père du Spirit (1940), la trilogie sur New York aborde dans le premier tome la ville elle-même à travers une grille d’aération, un perron, la poubelle, la bouche d’incendie, la boîte aux lettres, le lampadaire, la fenêtre, le mur, le bloc, etc. A première vue, il n’y a rien de palpitant mais c’est sans compter sur la vision de l’auteur, sa virtuosité graphique et la foule croquée par le maestro qui s’agite autour des objets emblématiques de la grande ville. On est à New York ; on pourrait être dans n’importe quelle mégalopole. En deux planches savamment construites ou en quelques « vignettes brèves et incisives », Will Eisner dilue divinement son encre noire et développe son trait onctueux et dansant, velouté et vivant, d’une précision stupéfiante, croquant le vif pour mieux l’incarner. Il n’y a jamais rien de mièvre dans les vues rapportées. La scénette intitulée « Une liaison dans la ligne locale » est une merveille tant le talent est éclatant et concentré, transcrivant avec un art consommé de la litote les aspirations volatiles des banlieusards du métropolitain, rêvant des vies qui leur semblent idéales et qui apparaissent banales, voire étriquées aux yeux du lecteur. Will Eisner ne juge pas et ne caricature pas. Si le propos est sombre, la vie croquée ne l’est pas moins. La lâcheté, la violence, la solitude, la bêtise, la velléité, l’amour, la foi composent une symphonie que le maître orchestre d’une baguette ailée et brillante, imprégnée d’humour et de compassion.
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