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[La théorie des mèmes : Pourquoi nous nous imitons les u...]
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apo



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Posté: Ven 14 Aoû 2009 16:01
MessageSujet du message: [La théorie des mèmes : Pourquoi nous nous imitons les u...]
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[La théorie des mèmes : Pourquoi nous nous imitons les uns les autres | Susan Blackmore]

En 1976, le généticien Richard Dawkins publia son ouvrage révolutionnaire Le Gène égoïste – dont mes mots seront toujours insuffisants à le louer – qui déplaça l’unité fondamentale de l’évolutionnisme et de la sélection naturelle darwiniens de l’individu à ses gènes, dont celui-ci, par le truchement de ses cellules, n’est que « véhicule » protecteur. La notion fondamentale de cet essai est celle de « réplicateur », à savoir une entité (dans le cas des gènes, une substance chimique, l’ADN) capable de se répliquer en copies suffisamment fidèles, dont la « survie du plus apte » consiste dans les plus grandes fidélité de copie, fécondité et longévité, relatives aux antagonistes. A titre didactique d’exemple, dans un court chapitre vers la fin, Dawkins se demanda s’il pouvait exister d’autres réplicateurs non biologiques, et suggéra que cela pouvait être le cas des connaissances ; en calquant sur « gène », il inventa le terme « mème » pour en indiquer l’unité minime transmissible. Comme tout lecteur de Dawkins, sans doute, je me suis amusé de ce parallèle facétieux, et me suis demandé si quelqu’un le reprendrait un jour pour le théoriser. Voilà, c’est fait, quelque 30 ans après la parution du bouquin de Dawkins, par la psychologue Susan Blackmore.
Ses deux concepts-clés sont donc le « mème » qu’elle définit comme : « instructions pour exécuter un comportement, conservées dans des cerveaux (ou d’autres objets), et transmises par l’imitation » (p. 91), et « imitation », qui étrangement n’est pas défini mais de toute évidence ne possède pas le sens classique qui l’oppose à « apprentissage », car au contraire il englobe celui-ci ainsi que tout autre moyen de transmission (réception et divulgation) des mèmes.
La théorie (la « mémétique ») de Blackmore, tout en s’en défendant à moult reprises, reprend systématiquement le parallèle génétique de Dawkins dont elle est tributaire, ce qui lui donne un ton très « biologique », quelque peu « cybernétique » totalement inavoué et non assumé sinon dans les concepts, en tout cas très peu « sciences humaines » : c’est ce qui, a mon sens, lui est entièrement et irrémédiablement préjudiciable. Par un ancrage poussé dans les sciences humaines, au contraire, elle aurait pu se mettre en garde contre les dangers du « behaviorisme », mieux s’armer contre le matérialisme des neurosciences et contre la sociobiologie (auxquelles elle s’oppose quand même tour à tour, mais avec une artillerie relativement fruste), et surtout elle aurait pu se situer dans le riche sillage philosophique du platonisme - Platon a encore beaucoup à dire sur une ontologie des « idées » séparées de leurs porteurs, ainsi que sur l’« imitation », justement… - alors que sa seule référence philosophique, en absolu, c’est Daniel Dennett « mentor philosophique de tous les théoricien du mème » (dit Dawkins dans l’Avant-propos).
Les problématiques auxquelles l’auteure s’attaque, et dont sa réponse mémétique lui semble plus adaptée que celles des neurosciences et de la sociobiologie (qui recherche partout l’intérêt suprême des gènes dans la compétition évolutive) sont :
1. le gigantisme du cerveau humain par rapport à nos nécessités biologiques – mes connaissances sont insuffisantes pour en être convaincu ou sceptique ;
2. les origines du langage – question que les linguistes abhorrent et moi avec eux, mais enfin disons qu’on peut accepter les mèmes, surtout en les renommant simplement « informations », « connaissances », « notions transmissibles »…
3. la sexualité séparée de la reproduction – là, bien sûr, la sociobiologie montre toutes ses limites/lacunes, mais encore une fois, j’aurais envie d’appeler la mémétique une « théorie de la culture »…
4. l’altruisme – là au contraire, je crois trouver une double contradiction de la théorie : primo : l’auteure affirme que les mèmes d’une personne plus sociable, plus appréciée, plus altruiste auront davantage de chance d’être imités, donc de se répandre, ce qui implique un « jugement » sur la « personne » divulgatrice : deux variables exogènes aux mèmes et, nous le verrons enfin, incompatibles avec eux ; secundo : l’auteure affirme dans cette même argumentation l’importance capitale du « principe de cohérence » entre les mèmes au sein de l’individu, ce qui implique aussi un jugement (de cohérence) et un « Moi » récepteur conscient et sélectif…
5. la diffusion des religions, convictions politiques, et en général tout système organisé de croyances – comme pour le point 3, « culture » me conviendrait tout autant, mais aussi « tradition » (jamais évoquée)…
6. évolution des moyens de transmissions des mèmes, du langage à l’Internet – finalement !!! Il aura fallu attendre jusqu’à la p. 329 (et pour un exposé de niveau Bac+3 à être bienveillant, d’à peine 20 petites pages)…
7. je vous le laisse deviner… ouais, on voyait ça venir depuis le départ… : la négation du Moi (ontologique, j’ajoute), donc de la conscience, du libre arbitre, de la prévoyance… - Que dire ? J’adore la formule : « Alors, peut-être, voilà tout ce que nous sommes : un centre de gravitation narrative ; un récit sur un Moi persistant qui fait des choses, sent des choses, et prend des décisions : une illusion bénigne d’utilisateur. » (p. 360). Sans ironie, j’adore.

Peut-être, quand on n’invoque qu’une seule référence philosophique, faudrait-il éviter de balayer de deux seuls attributs le dualisme d’un certain René Descartes, « tentant, mais faux » (sic ! p. 352) ; d’autant plus si on le récupère volens nolens, ce dualisme, en ayant besoin d’une « personne » capable de « jugement » (v. supra), gage de « cohérence » entre mèmes qui sont censés nous coloniser et nous infecter comme des virus… etc. Mais ça, m’a-t-on dit, c’est la philosophie analytique anglo-saxonne contemporaine…
Dommage ! Ce tout dernier chapitre m’a plu à ravir ; personnellement, j’en aurais fait tout le livre, surtout si j’eus été une psychologue en passe de renoncer, par cela, non seulement à son propre Moi, mais justement à tout le système de pensée (« mèmeplexe ») de sa formation et profession !… Pour une vraie théorie des mèmes, alors, on n’a qu’à attendre encore.

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