[Pour mon plaisir et ma délectation charnelle | Pierre Combescot]
« Gilles de Montmorency-Laval, comte de Brienne, baron de Rais, maréchal de France, se tient debout dans le tombereau qui le conduit au supplice en cette matinée du mercredi 26 octobre 1440. Il assume crânement son destin. De la foule qui l'accompagne en procession montent des chants et des prières. Nul cri de haine mais une compassion générale. Chacun prie pour l'âme du maréchal. L'admirable vertu de la mort commence à opérer. « Pardonnez-lui, Seigneur, frappez- nous plutôt ! » Ce fut un tueur d'enfants, un pédéraste, un sodomite, une bête enragée ; il eut de grands vices mais n'en appartient que davantage à notre pauvre humanité. »
Ce petit livre contient en quelques pages l'horreur indicible d'un personnage à l'ambiguïté fascinante : guerrier aussi valeureux que furieux, fidèle compagnon d'armes de Jeanne d'Arc (qu'il révérait), adepte de la magie noire mais fervent chrétien, mélomane, cultivé, immensément riche et prodigue jusqu'à sa démesure, et tueur d'enfants. Gilles de Rais ! Aux juges qui l'interrogèrent sur le pourquoi de ses crimes, il répondit « pour mon plaisir et ma délectation charnelle ».
Pour qui n'est pas spécialiste de la période (début XVe siècle), la première partie du livre est assez ardue, malgré l'extrême rigueur de l'auteur dans sa chronique : un foisonnement de personnages à la parenté incertaine se croisent, s'allient, complotent, se trahissent, s'entretuent dans le tumulte de la guerre de Cent Ans, pendant que la peste et la famine déciment la population. Le tout, condensé en quelques pages, est difficile à appréhender.
La seconde partie, centrée sur Gilles de Rais, est plus intéressante, plus horrible aussi. Toutefois, dans ce récit, il n'y a nulle esthétisation du mal. Les débordements de l'histoire et de la chair sont décrits avec sobriété. Pierre Combescot livre un récit précis et pondéré, qui évite l’écueil de l'outrance "gore", mais qui est aussi un peu plat, sans verve, et qui ne rend pas compte à sa juste mesure de la truculence horrifique de son personnage.
le cri du lézard
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]