Trouvé, par hasard, au coin d’un banc, objet couvert d’une nacre qui vient à être, une fois touché, le lieu où se vient amarrer le bleu.
Et pendant plusieurs jours l’objet par lequel Pierre Torreilles avait mûri quelques absolus sans significations, m’a accompagné sur mon trajet involontaire.
De Sainte Geneviève des Bois à Pont de l’Alma, dans le RER C, je sentais venir l’irrigation sonore du silence.
Pouvais-je ne point renoncer ce qu’en moi porte à l’innocence ?
Accepter cette rupture du temps, de l’espace, me regarder sur la glace immobile du Léthé ?
Est-ce l’harmonie provoquée par la lecture de ce livre, impatiente de chaos ? Ma tête décollait parfois, au gré des pas, des bruits mécaniques, de la conversation des passagers à mon côté, et je ne pouvais point leur dire qu’ici neigeait un silence bleu.
Il s’agit donc, vous allez me dire, d’un vertige serein, lorsqu’on est pris par l’eau vibrante de traces. Et peu à peu, au fur et à mesure de la lecture, nous sommes invités à nous dénuder des choses.
L’inconditionnelle approche du vide, là où le sens ruisselle des mots très éloignés de la parole. Là où l’accointance avec le réel nous octroie, je ne sais pas par quelle grâce divine, un pouvoir immense d’être l’insondable inanimé, d’être si proche du mutisme des pierres, d’être ce bleu du ciel cher à Bataille, et ici, des sons bus par le jour .
Vous direz, que par cette alchimie du sens, le poète a réussi à me détourner de mon chemin de lecture ; Je ne suis plus dans mon train, je suis ailleurs, tellement proche de lui, si près de moi.
Oui un murmure irisé humidifie mon silence. Vous vous trompez sur son écho.
Le poète est gavé d’inutilités essentielles.
Demain je prendrais mon train
Avec un ticket vers le désert des sens
Je serais un homme ouvert à la nouveauté du lendemain et ses chemins de travers
et ainsi tous les jours, jusqu’à Pont de l’Alma
Jusqu’à…
Celso Libanio
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