Lorsque le Journal (1935-1944) de Mihail Sebastian (grand écrivain roumain,très francophile),put enfin paraître en Roumanie en 1994,il suscita un énorme intérêt et déclancha derechef de vives polémiques .
Sebastian (Iosif Hechter) était juif mais sa famille était établie en Roumanie depuis plusieurs génération et Sebastian se sentait avant tout roumain. Son journal relate les années sombres de l'histoire de son pays, la montée des extrémismes,l'antisémitisme obsessionnel des dirigeants,mais aussi ses efforts désespérés pour survivre dans le Bucarest en guerre,sa lutte pour faire jouer ses oeuvres au théatre alors que les juifs en étaient bannis,et aussi ses découragements,ses dépréssions récurrentes,ses amours...Mais ce qui est peut-être le plus interressant dans ce livre ce sont les relations qu'entretient Sebastian avec ses collègues et amis intellectuels (Mircéa Eliade,Cioran,Ionesco,Camil Petrescu,le prince et la princesse Bibesco...); Ou l'on voit (et c'est ça qui ouvrit les polémiques) que la majorité des intellectuels roumains applaudissaient à deux mains les mesures coercitives que les gouvernements successifs édictaient à l'encontre des juifs. Le nationalisme outrancier de la "Grande Roumanie" ,la croyance en un complot juif destiné à "trahir" la Roumanie, une aspiration vague a un régime politique rédempteur,pervértissaient tout le discours politique.
Dans son journal,Sebastian nous montre un Mircéa Eliade (son ami, son"frère" pourtant) obnubilé par "les juifs", admirateur de la Garde de fer de Codréanu ; Eliade qui après la guerre fit l'impasse sur son passé. Et cioran ! lui n'avait qu'une idée fuir à Paris...et Petrescu, le grand Petrescu! Sebastian nous le montre comme un bouffon velléitaire et inconséquent.

Ce livre n'interessera peut-être que les amoureux de la Roumanie,d'autant que Sebastian nous entretient d'une foule de personnages secondaires que même les roumains d'aujourd hui ne doivent pas connaître ; mais pour les curieux qui veulent tenter l'aventure il faut absolument lire la préface explicative de Edgar Reichmann qui replace l'oeuvre dans son temps.

Enfin, et cela je n'en pouvais douter car je l'ai expérimenté de nombreuses fois chez des roumains, l'incroyable connaissance de la culture française (littérature,musique,histoire) de Mihail Sebastian ; on en rougit...

Un beau roman de Sebastian : L'accident. Il en parle dans son journal ; les affres de la création...

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