Presque tous les livres de Michel del Castillo brassent les mêmes thèmes : le mensonge,le secret,relation père-mère-fils, et surtout l'Espagne ; celui çi ne déroge pas à la règle.
Un "fils de pub" arrivé et comblé par la vie (disons qu'on le voit bien en adjoint de Séguéla...) est confrontéà un double questionnement : d'une part une interrogation sur le sens de sa propre vie dans un monde factice de mensonges et de manipulations, d'autre part une recherche inquiète sur ses origines et son identité. Le roman se déroule sur deux plans parallèles ; notre monde moderne de frime et d'esbrouffe ou le héros, Salvador Portal, met à contibution tout son savoir de bac +7 pour pervertir la vérité des faits et engranger de substantiels avantages matériels ; un monde plus ancien , celui de la guerre civile espagnole (1936 et + ) qui a vu les grands-parents de Salvador en républicains intégres ne pas déroger aux lois de l'honneur
Une campagne de relations publiques consistant à redorrer le blason d'industriels ayant licencié des centaines de salariés alors que les actions de leur entreprise grimpaient au sommet du CAC 40 sera le détonnateur de la prise de conscience de Salvador
que le mensonge gouverne nos vies, et aussi sa propre vie... car, quel secret cache l'apparente froideur de sa grand-mère Véra dont le mari Rafael Portal a disparu dans des conditions non élucidées en 1936 ? Rafael Portal ami du philosophe Miguel de Unamuno et titulaire d'une chaire de civilisation arabe à Grenade...
Ce superbe roman (je reconnais être un inconditionnel de Michel del Castillo...ou presque), n'a de cesse de nous émouvoir,de nous questionner, de nous ébranler nos plus certaines convictions (ou est le Bien , ou est le Mal ? questions basiques que Del Castillo se garde bien de trancher lui qui pourtant a dû souffrir des déreglements de la guerre civile-oui il en a souffert c'est sûr- lire "Tanguy"- Et , cerise sur le gâteau, (j'ai pas pu trouver de formule plus explicite, j'ai honte...), Michel del Castillo prends la peine dans son roman de nous faire un cours succin mais sans didactisme aucun sur les tenants et aboutissants de la politique espagnole de la chute d'Alphonse XIII au début de la guerre civile : passionnant.
Mais , peut-être, peut-être, ce qui survole les presque 400 pages de ce superbe roman c'est l'esprit de cet incroyable intellectuel espagnol, recteur de l'université de Salamanca, Miguel de Unamuno. L'on savait Michel del Castillo "disciple" de ce philosophe hors du commun (sa résistance à Primo de Riviera, son exil en France, son ultime discours face aux Phalangistes...) . Toute la vie et la philosophie de Unamuno éclairent "La vie mentie" et c'est sous l'égide de cet homme probe que Salvador, notre héros fils de pub à la dérive va "résoudre" ses deux questionnements , qui suis-je, ou vais-je ? Comblé d'honneur après sa campagne de relations publiques réussie il va s'enfonçer dans le pays de son grand-père,l'ami de Unamuno, y vivre chichement et partir à la recherche des derniers compagnons du philosophe-ou de ses ennemis-il va tout simplement réapprendre à vivre.
EXTRAITS:
"Je n'avais rien découvert en Espagne ou je retrouvais la même agitation qu'a Paris, les mêmes angoisses, les mêmes envies. Ce silence et cette paix j'aurais pu aussi bien les découvrir en France, au fin fond d'une région délaissée, dans les Cévennes ou en Auvergne.Si mon choix s'était arrêté sur l'Espagne, c'était sans doute à cause de Véra, du souvenir de Rafael Portal, mon grand-père, des longs récits de Gonzalo.
Je ne possédais aucune vérité, je n'en détiendrais jamais aucune, mais je savais désormais ou elle se situait,loin, très loin, dans un ailleurs inaccessible.Je savais que l'important n'est pas ce qu'on possède,mais ce qu'on cherche.
Gonzalo,Véra,l'ombre de Rafael, celle de leur maître Unamuno,chacun avait ouvert des brèches par lesquelles je sentais s'engouffrer une brise ténue. Ce n'était peut-être que le souffle de la vie et je le respirais avec avidité, reconnaissance,sans me demander ce que la vie signifiait, ni comment l'interpréter.Je me contentais de l'accueillir avec ferveur.
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