"L'auteur ! L'auteur !" sont les cris que poussent les spectateurs de la "première" d'une pièce de théâtre pour réclamer que l'auteur vienne saluer et ainsi l'acclamer ... s'ils ont trouvé la pièce à leur goût. C'était du moins la tradition sur les scènes anglaises à l'époque de Henry James à l'époque victorienne (fin du XIXe et début du XXe). David Lodge livre ici un roman très documenté sur cet écrivain d'origine américaine mais ayant adopté l'Angleterre comme lieu de résidence, vivant aussi parfois en France ou en Italie. Lodge s'attache ici à la période de la vie d'HJ où celui-ci, voyant la critique et plus encore le public bouder ses romans décide de relancer sa carrière en écrivant pour le théâtre. Ce fut finalement un désastre et HJ au bout de quelques années dut renoncer à ses prétentions de devenir un auteur dramatique et revint au roman.
On aura du mal à retrouver ici le ton satirique, voire sarcastique que Lodge utilise habituellement pour nous conter les moeurs dun "petit monde" de l'Université de Rummidge. Ici, le ton est plus sérieux, plus respectueux et on aurait peut-être aimé parfois retrouver un peu plus d'impertinence sous la plume de Lodge. Est-ce un effet de contagion du style jamesien ? Lodge reste néanmoins un admirable peintre des habitudes, travers, hésitations, ambitions et autres remords de ses personnages, et son habileté romanesque sait aussi ménager le suspens et tenir le lecteur en haleine alors même que l'on connait le dénouement de la pièce.
J'ai pris un grand plaisir à lire ce livre et à découvrir cet univers "jamesien" (qui n'est pas sans rappeller l'univers proustien) que je connaissais pas. Au delà de la peinture très réaliste d'une époque, au delà des rencontres parfois surprenantes de personnages tels que Oscar Wilde, George Bernard Shaw, Georges du Maurier (l'ami le plus proche d'Henry, peintre et romancier, et grand-père de Daphne, l'auteur de "Rebecca"), et aussi une petite fille avec son landau dont je ne dévoile pas ici le nom (c'est un clin d'oeil que se permet l'auteur), ce livre nous fait partager l'intimité d'un écrivain, de ses espoirs et de ses désillusions et nous donne ainsi quelques éléments de réponses à la fameuse question "Qu'est-ce que la littérature ?".
A la fin du livre, David Lodge nous livre ses sources et l'on est étonné de constater que très peu de choses ont été inventées par l'auteur. Un tour de force (ou d'écrou ?) qui nous donne presqu'envie de crier : "L'auteur ! L'auteur !".
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