«J'ai possédé une ferme en Afrique, au pied du Ngong.»
Voici donc le livre qui a inspiré à Sydney Pollack son superbe film
Out of Africa. Mais l'adaptation cinématographique a totalement faussé les perspectives dans lesquelles la danoise Karen Blixen rédigea en 1937 son récit autobiographique. L'histoire est pourtant bien la même : Karen évoque les dix-sept années qu'elle passa au Kenya, entre 1914 et 1931, dans sa ferme de culture du café. Mais, contrairement à ce que laisse supposer le film, le plus grand amour de Karen n'est pas Denys Finch Hatton, le chasseur, évoqué de façon très allusive dans le livre. Non, son grand et véritable amour, c'est l'Afrique. Le coeur de Karen bat pour les splendeurs ocres du continent africain et la noblesse de ses habitants. Pour preuve, les denses descriptions et la prose poétique de ces curieuses "notes d'une émigrante". Car il ne s'agit pas d'un roman mais plutôt d'une sorte de carnet d'impressions et de souvenirs, divisé en courts chapitres (le tout paraît parfois un peu décousus d'ailleurs) qui nous plongent profondément dans l'âme africaine. Tout en dévidant ses souvenirs, Karen Blixen est parvenue à dépasser l'anecdote pour consigner bien plus qu'un simple témoignage ; un véritable travail d'ethnographe. Il y a l'exotisme de l'immense plantation, la vie sauvage au pied des montagnes, les safaris, les sortilèges de la brousse, les rituels ancestraux, la magie silencieuse du monde animal et, surtout, toutes ces pages où la danoise hypercultivée dévoile les secrets de l'âme noire. Karen dépeint sa vie au Kenya et met en avant sa découverte de la véritable nature, celle des lieux comme celle des hommes.
À la lecture de
La ferme africaine, on est frappé par la retenue de Karen Blixen qui réussit le tour de force d'évoquer son expérience, ses réflexions, ses sentiments, sans se placer au centre du texte. Karen Blixen est la voix (authentique, sensible, et personnelle) qui révèle l'Afrique. Ce livre n'en reste pas moins pour autant un merveilleux portrait de femme. Une femme libre, forte, indépendante, cultivée, ouverte, tolérante, passionnée, terriblement moderne. Une femme au regard à la fois aigu et sensible, à l'écriture élégante et au style poétique, qui nous livre une lente, mélodieuse et magnifique mélopée dédiée à l'Afrique. Un hymne nostalgique à un bonheur perdu :
«Lorsque mon cœur évoque l’Afrique je revois les girafes au clair de lune, les champs labourés, les faces luisantes de sueur pendant la cueillette du café. L’Afrique se souvient-elle encore de moi ? Est-ce que l’air vibre sur la plaine en reflétant une couleur que je portais ? Mon nom intervient-il encore dans les jeux des enfants ? La pleine lune jette-t-elle sur le gravier de l’allée une ombre qui ressemble à la mienne ? Les aigles du Ngong me cherchent-ils parfois ?»
le cri du lézard
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