[Histoire d'une mouette et du chat qui lui apprit à voler | Luis Sepúlveda]
Sur une trame simple (voire simpliste, histoire pour enfants oblige), Sepulveda prend l'occasion de ce conte pour inclure nombre des valeurs auxquelles il est attaché. Dès le départ, l'homme et son manque de respect envers la nature, en l'occurence l'océan, sont pointés du doigt par l'évocation d'une marée noire. L'auteur avait déjà prouvé son fort engagement écologique dans sa jeunesse militante, mais également dans son premier roman : "Le Vieux qui lisait des romans d'amour". Si l'homme se fait très discret dans le déroulement de l'action (il n'intervient vraiment qu'une fois), son influence se fait sentir comme une menace, une ombre planant non seulement sur les mers, mais aussi sur le monde animal en général. Pour enfoncer le clou, le seul animal réellement méchant et gênant nos héros dans l'accomplissement de leur mission est un singe, soit celui qui est le plus proche de l'homme. Dès les premières pages, Sepulveda prend le parti de bannir l'homme de son histoire, pour rendre le monde à ceux qui le respectent.
Mais "L'Histoire de la mouette et du chat" est avant tout une histoire de tolérance, d'entraide et d'engagement. Le roman part du principe que tous les animaux peuvent se comprendre (seul l'homme en semble incapable), et c'est grâce à ce parti pris qu'une mouette annonce ses dernières volontés à un chat, qui les accepte. Dans cet acte interviennent plusieurs paramètres et valeurs. Le dialogue entre les deux animaux implique tout d'abord la tolérance entre espèces. Sepulveda mentionne explicitement son point de vue sur l'acceptation de la différence. La dimension à laquelle on pense le moins est qu'en plus d'être deux bêtes différentes, le chat et la mouette, suivant l'ordre naturel, sont surtout un prédateur et sa proie. Le sacrifice de Zorbas est d'autant plus grand qu'il doit à la fois s'adapter à un nouveau compagnon, mais également combattre ses instincts de fauve. Même s'ils ne sont pas mentionnés dans l'histoire, ils ajoutent un élément de suspense dans la relation entre le minou et le poussin. Le roman traite aussi du thème de l'engagement, et de l'importance de tenir sa parole et de faire face aux responsabilités que cela implique. En plus de l'enseignement que Zorbas doit inculquer à Afortunada, cet engagement se retrouve dans le comportement des autres chats qui décident d'aider Zorbas dans sa mission, au nom d'une solidarité entre félins. Entre gang des rues et mafia à griffes, les amis de chat noir sont l'occasion d'ancrer le conte dans une dimension moins pédagogique et plus narrative, étant source de l'humour présent dans le roman, malgré la lourdeur de certains gags (notamment Colonello qui se fait régulièrement "enlever les miaulements de la bouche"). Dans une langue agréable aux images fortes, Sepulveda nous offre un conte certes simpliste, mais qui donne à réfléchir, et qui aurait certainement gagné à être étoffé. On lui pardonnera ses quelques incohérences et sa tendance au manichéisme enfantin.
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