Plus je lis des romans de Luis Sepulveda et plus celui-ci me fait penser à un bon élève qui tenterait de faire de la lèche au professeur. Vous savez, ce petit con du premier rang qui ne ratait jamais une occasion de démontrer qu'il avait bien appris sa leçon par coeur, mais qui n'avait malheureusement aucun recul sur elle, et qu'on avait envie de baffer à chaque cours? C'était lui. Après nous avoir prouvé, dans "Le Vieux qui lisait des romans d'amour", que le petit Luis avait bien révisé ses cours de biologie, le voilà qui récidive avec le professeur de géographie. En voulant nous faire découvrir la région qu'il affectionne particulièrement, à savoir la Terre de Feu, ce territoire de l'extrême sud de l'Amérique latine coincé entre le Chili et l'Argentine, Sepulveda nous noie sous un déluge de nom d'îles et de lieux-dits que deux poilus doivent connaître au monde, oubliant pendant une bonne moitié du roman qu'il était supposé nous raconter une histoire. Et ne comptez pas sur le semblant de carte inséré avant le récit, il ne comporte à peine qu'un tiers des noms évoqués. Autant dire que le trajet du bateau vous paraîtra bien flou, voire incompréhensible, à la fin de votre lecture. D'aucuns diront qu'il s'agit là d'un détail. Ce détail m'a quand même donné l'envie de poser le livre définitivement une bonne demi-douzaine de fois!
Et le pire, c'est qu'il ne méritait même pas que je le lise jusqu'au bout, ce livre. Sepulveda aime "Moby Dick", ça on commence à le savoir. De là à décliner son amour dans tous ses romans, il ne faut peut-être pas pousser! On peut bien se moquer de Brian De Palma qui tente à chacun de ses films de recréer la scène de la douche de Psychose en hommage à Hitchcock, au moins y met-il un minimum de créativité et d'humour. La subtilité n'étant pas le fort de notre auteur, son roman commence par "Appelez-moi Ismaël", et finit par "Moby Dick". Un lèche-cul, je vous disais, une vraie tête à claques! Pourtant la structure du roman en soi aurait pu être intéressante. Dans une première partie, le narrateur nous conte son adolescence aux côtés des chasseurs de baleines, à l'assaut des cétacés, pour faire comme dans son livre préféré. Dans une seconde partie, le processus est inversé et notre héros retourne sur les lieux de sa jeunesse, cette fois-ci pour sauver nos pauvres mammifères en voie de disparition. Seulement voilà : il ne faut pas confondre hommage et recopiage, ni combat écologique avec manichéisme infantile. Parce que faire le parallèle entre Achab face à la baleine blanche et Greenpeace face aux multinationales pétrolières, c'est oublier la valeur du combat loyal entre l'homme et l'animal (ce qu'il avait beaucoup mieux retranscrit dans "Le Vieux qui lisait des romans d'amour"), mais aussi que Greenpeace utilise des moyens qui n'ont rien à envier aux méchants Japonais qui veulent du mal à tout le monde. Là-dessus il nous remet une couche des pauvres Indiens qui disparaissent, histoire d'accentuer le pathos, au cas où on les aurait oubliés. Après tout, Sepulveda n'en parle que dans tous ses autres livres!
Sepulveda a des causes personnelles à défendre, et c'est tout à son honneur. Mais par pitié, qu'il laisse le roman à ceux qui savent raconter une histoire, et qu'il se mette au pamphlet politique où sa démagogie et son style simpl(ist)e trouveront un support adéquat pour exprimer ses idées. Parce que nous pondre une image finale de petit garçon qui lit "Moby Dick" dans le même avion que le narrateur, même ça Steven Seagal n'a jamais osé le faire dans ses meilleurs films!
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