Les vivants et les ombres
Alors là, c'est le cas de le dire, les murs ont des oreilles! A l'affut de tout, la moindre conversation entre humains ou entre casseroles.
C'est donc,Lesezeichen l'a raconté, une saga familiale ,racontée uniquement à travers ce que cette maison peut saisir des évènements extérieurs d'une histoire très riche en évènements, celle de cette région au départ Pologne devenue Galicie, pendant une centaine d'années. Et surtout , bien sûr, de la vie familiale qu'elle abrite, très mouvementée elle aussi. Le chef de famille , fils de confiseur, a réussi à épouser la fille d'un comte , "quartiers de noblesse irréprochables et profil de mouton" , et , dans la propriété, construit aussi une petite usine de confiserie qui semble ne fabriquer qu'une sorte de bonbons , les pastilles de la Vierge, qui deviendront plus tard les pastilles de Sissi , les opérations de marketing étant déjà d'actualité à l'époque..
Révolutions, émeutes, et fin de la féodalité , mais aussi antisémitisme marqué pour la vie extérieure, amours contre son rang et enfants illégitimes à l'intérieur.
Bref, une vie chargée...et on ne peut en vouloir à cette maison d'avoir ...déménagé.
Très agréable à lire, très bien documenté, et moi qui connaissais très peu l'histoire de ces pays, j'ai appris beaucoup de choses!
Je me lève aussi la nuit pour essayer d'entendre ce que mes casseroles ont à se dire, mais je pense que cela va vite s'arranger?
Un petit extrait:
Ce ne fut pas la gestion de Wioletta qui coula la sucrerie, bien qu'on prédit dans la région qu'il ne pouvait rien arriver de mieux à une affaire ainsi tombée en quenouille. Ce ne furent pas non plus les modestes revendications de ses employés, ni le boom du sucre russe, qui restait cher à importer. Ce qui perdit l'entreprise si florissante de Jozef fut la décision de l'archiduc Rodolphe , en janvier 1889 , de mettre fin à ses jours dans son pavillon de chasse de Mayerling , avec sa très jeune maîtresse la baronne Vetsera.
J'appris ce drame, comme de juste, dans les cuisines . J'arrivai là un matin, avide de papotages fleurant bon, eux, le monde des vivants; et qel ne fut pas mon étonnement en découvrant , autour de la grande table, notre personnel féminin changé en assemblée de pleureuses!
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A l'étage des maîtresses, on ne pleurait pas; c'était pourtant là qu'il y aurait eu le plus de quoi pleurer. Elles l'ignoraient encore, les deux demoiselles, mais c'était, à terme, la fin de leur fortune.
Les "Délices de Sissi"? Ce nom, décidément, sonnait comme une mauvaise blague. En fait de délices, la mère du suicidé avait eu, en vingt ans: un beau-frère, Maximilien, fusillé au Mexique; une belle-soeur, veuve du précédent, devenue folle de chagrin; un cousin, l'extravagant Louis II de Bavière, retrouvé noyé dans des circonstances obscures; sans compter des autres parents et amis, qui ,autour d'elle, sombraient dans la démence ou mouraient atrocement. Mayerling était le drame de trop. Dès la semaine suivante affluèrent ici des courriers de pharmaciens annulant leurs commandes, il fallut suspendre la production, faire dessiner de nouvelles boîtes portant la sombre mention " Pastilles Incarnadines" et les mettre hâtivement en vente pour éponger le manque à gagner........
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