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[Du statut social | Alain de Botton]
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apo



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Posté: Mer 28 Avr 2021 14:30
MessageSujet du message: [Du statut social | Alain de Botton]
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Ce livre est un traité, dont il possède la structure, la rigueur et le style jusque dans son érudition, dans son léger humour et dans sa riche et belle iconographie, qui n'est pas sans faire songer à un œuvre des Lumières. L'anxiété concernant le statut social qui est aussi opportunément que précisément défini d'emblée, est rattachée à la thèse psychologique très contemporaine de la quête infantile de l'amour pour son soi ontologique ; elle est aggravée proportionnellement aux incertitudes et aux instabilités de l'économie post-moderne. Néanmoins la démonstration ne se fonde ni sur la psychologie ni sur la critique économique. Elle se base sur le relativisme, une approche philosophique bien contemporaine, elle aussi. L'analyse historique des très divers critères censés représenter la réussite et l'échec à travers les âges et les civilisations a pour vocation de déconstruire le système de valeur qui nous est propre, déconstruction qui est définie comme la conscience politique. De même, la diversité des « solutions » apportées à l'angoisse du statut, toujours dans une optique historique et culturelle multiple, qui ne se gêne pas à juxtaposer le christianisme et la bohème, favorise la dédramatisation des angoisses personnelles. D'après la définition donnée à la politique, conformément à la symétrie parfaite qui est accordée à des visions opposées de la réussite et de l'échec, à cause enfin d'une tendresse indéniable à l'égard du passé (y compris à des époques mois démocratiques et par rapport aux références au christianisme), le lecteur peut se demander parfois si l'auteur, avec son nom qui semblerait français et ne l'est pas et qui pourrait être orné d'une particule, n'est pas un conservateur invétéré, un antibourgeois d'origine aristocratique – tout à fait respectable au demeurant –, un cynique plus qu'un révolutionnaire, en somme plutôt un Voltaire qu'un Rousseau. Rousseau répond présent, mais Tocqueville aussi, Marx est là, mais Tolstoï aussi, et surtout, d'abord et principalement, les auteurs anglais – sachant que Botton vit à Londres et écrit en langue anglaise. Cette question peut occuper le dogmatique, mais pas le philosophe qui, lui, se satisfera de la démonstration, se réjouira grandement de la foison des références à tous les arts occidentaux, à des époques variés, à des corrélations inattendues. Sans pesanteur universitaire ni appareil bibliographique normalisé. L'on sort jubilant de cette lecture, et sans doute très soulagés dans son ego qui trouvera sans doute, ici ou là, sa propre image et consolation. Je voudrais enfin tirer un fier coup de chapeau au traducteur, qui a su rendre un rythme parfait, et aux éditeurs du Mercure de France, qui ont produit un livre d'une excellente facture.



« Table :

CAUSES

I. Absence d'amour : Le désir de reconnaissance sociale. L'importance de l'amour.
II. Snobisme
III. Espérances : Progrès matériel. Égalité, espérances et envie.
IV. Méritocratie : Trois vieilles idées consolantes au sujet de l'échec – 1. Les pauvres ne sont pas responsables de leur condition et sont les plus utiles dans la société ; 2. La notion de statut social n'a pas de connotation morale ; 3. Les riches sont dépravés et corrompus et doivent leur richesse au vol des pauvres. Trois nouvelles idées anxiogènes au sujet de la réussite – 1. Ce sont les riches qui sont utiles, pas les pauvres ; 2. La notion de statut social a une connotation morale ; 3. Les pauvres sont dépravés et corrompus et doivent leur pauvreté à leur stupidité.
V. Dépendance : Facteurs de dépendance : […] un talent capricieux, […] la chance, […] un employeur, […] la rentabilité d'un employeur, […] l'économie globale.

SOLUTIONS

I. Philosophie : Honneur et vulnérabilité. Philosophie et invulnérabilité. Misanthropie intelligente.
II. Art : Introduction. Art et snobisme. Tragédie. Comédie.
III. Politique : Types humains idéaux. Une approche politique de l'anxiété contemporaine liée au statut social. Changement politique.
IV. Christianisme : Mort. Communauté. Deux Cités.
V. Bohème »


Cit. :


1. « Si cette instabilité d'emploi inquiète tant, ce n'est pas seulement pour des raisons financières. C'est aussi […] à cause de l'amour, parce que c'est surtout la situation professionnelle qui détermine le degré de respect et de sollicitude qu'on nous témoigne. C'est de la façon dont nous pouvons répondre à la question : "Que faites-vous dans la vie ?" – une des premières qu'on nous pose généralement lors d'une nouvelle rencontre – que dépendra probablement la qualité de l'accueil qu'on nous fera.
Et, malheureusement pour notre bonheur, il dépend rarement tout à fait de nous de pouvoir donner une réponse suffisamment élevée. Cela dépend des fluctuations de l'économie, des turbulences du marché et des caprices de la chance et de l'inspiration – alors que notre besoin d'amour, lui, reste aussi fort, aussi constant ou insistant qu'il était dans notre petite enfance ; un déséquilibre entre nos besoins et les incertitudes du monde qui constitue une cinquième cause tenace de toute anxiété liée au statut social. » (p. 140)

2. « Si nous avons écouté les critiques justifiées de notre comportement, prêté attention à des craintes légitimes au sujet de nos ambitions et assumé la responsabilité de nos échecs, et continuons pourtant à nous voir accorder un statut social inférieur par notre communauté, nous pouvons être tentés d'adopter une attitude pour laquelle ont opté certains des plus grands philosophes de la tradition occidentale. Nous pouvons, à travers une compréhension non paranoïde des défauts du système de valeurs dominant, adopter une attitude de misanthropie intelligente, dénuée aussi bien de ressentiment que d'orgueil. » (p. 157)

3. « On pourrait dire que la conscience politique naît de la reconnaissance du fait que des idées considérées comme des vérités absolues par des esprits éminents de la communauté peuvent être en réalité relatives et sujettes à investigation. Ces opinions peuvent être déclamées avec assurance, elles peuvent sembler faire autant partie du tissu de l'existence que les arbres et le ciel, et pourtant elles sont – insiste une perspective politique – formulées par des individus qui ont des intérêts pratiques et psychologiques spécifiques à défendre. […] Elles sont, pour reprendre le mot utile de Marx, "idéologiques", un message idéologique étant défini comme un message qui tente d'imposer subtilement une vision partiale des choses tout en prétendant à une stricte neutralité. » (pp. 264-265)

4. « L'idée que les autres peuvent n'être ni incompréhensibles ni détestables n'est pas sans conséquences pour notre préoccupation en matière de statut social, étant donné que le désir de "sortir du lot" est suscité dans une large mesure par un sentiment d'horreur à l'idée de ce que pourrait impliquer le fait d'être ordinaire. Plus nous jugeons les vies ordinaires humiliantes, creuses, méprisables ou laides, plus notre désir de nous distinguer des autres est fort. Plus la communauté est défectueuse, plus l'attrait de la réussite individuelle est puissant.
[…]
Mais, bien sûr, le sentiment que nous inspirent les autres est rarement aussi flatteur pour eux qu'il peut l'être dans une cathédrale. L'arène publique est généralement plus dégradée et effrayante, attisant un désir de s'en éloigner physiquement et psychologiquement.
Il y a des pays où les services publics – logement, transports en commun, éducation, santé – est tel que les citoyens cherchent naturellement à éviter de se mêler à la communauté et se barricadent derrière des murs solides. Le désir de statut social élevé n'est jamais plus fort que lorsque le fait d'être ordinaire implique de mener une vie qui ne répond pas à un besoin normal de dignité et de confort. » (pp. 315-317)

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