Zone blanche.
De Vézelay à Figeac, Jean-Luc Muscat parcourt à pied la « diagonale des faibles densités », expression se substituant à l’ancienne appellation de « diagonale du vide » comme nomment les géographes la bande du territoire français se déroulant de la Meuse aux Landes, faiblement peuplée et sous-équipée. En 2015, Sylvain Tesson avait déjà traversé du Mercantour au Cotentin les friches de cette France rurale laissée pour compte.
Pour Jean-Luc Muscat, la lenteur est le maître mot mis en exergue à travers une citation du sociologue Pierre Sansot (1928-2005) dans son ouvrage « Du bon usage de la lenteur » (1998). Le ton est donné et Muscat va extraire le suc journalier de ses pérégrinations millésimées. En marchant durant vingt-cinq jours, en avril, il essuiera les pluies printanières, les vents et le soleil ainsi que les poussées chlorophylliennes dans un no man’s land éloquent. Jamais l’auteur ne s’emporte ou ne peste de la conduite automobile dangereuse ou des hébergements minables, des petites mesquineries perpétrées par son prochain, des trombes d’eau, des bourrasques de vent. A peine ces contraintes sont-elles mentionnées qu’elles sont amoindries, contrebalancées par les odeurs enivrantes qui montent des sols détrempés. Quand les cataractes font « comme un rideau de fin du monde », l’auteur constate que le déluge lui a donné soif et il commande un demi quand un troquet ouvert se présente enfin. Finalement, il noue ses idées en marchant et philosophe presque à son insu : « Les plaisirs nous rapprocheraient-il de la finitude alors qu’à l’inverse les difficultés nous en éloigneraient ? Marcher peut paraître difficile quelquefois mais une fois l’effort surmonté, on constate qu’on a pleinement vécu ». Tranquillement, lentement, sans heurt, le marcheur « au long cours » se fond dans le paysage et entre pour un pas de danse enchanté dans le grand cercle du monde.
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