[Traquemage. 3, Entre l'espoir et le fromage | Wilfrid Lupano ; Relom]
Fantasy fromagère : Saspigouille contre Pécadou.
Le forum magique mondial de Grââvos réunit le gratin du gotha dont les quatre mages maudits autour d’un banquet. C’est l’occasion pour le berger Pistolin de faire un carton plein mais comment lutter à main nue contre la toute-puissance pernicieuse et retorse des mages et surtout comment contrecarrer sa propre destinée vouée à l’échec ? Pistolin n’est pas seul, entre Myrtille, sa cornebique mutante et Pompette, la fée alcoolo, Merdin l’Enchianteur, le semeur d’emmerdes qui le marque à la culotte et Duranbar, l’épée magique qui le fait passer pour un bouffon. Quand tout chancelle, Pistolin pourrait faire son Jacques et s’écrier : « Et Dieu dans tout ça » ? Embarqué par des esclavagistes, Pistolin atterrit à Grââvos et, jugé invendable, rejoint la secte des traquemagiens, adorateurs du Traquemage qui n’est autre que Pistolin, pistonné par Dieu en personne. Pistolin va donc avoir droit à plusieurs vies jusqu’à lasser le Père éternel fuyant lui-même ses responsabilités quand Bärgamoth, démon majeur issu des enfers souterrains revient en surface faire le ménage.
Le 3e volume clôt en beauté la trilogie du Traquemage. Tout est bon dans le Lupano et le Relom. Les événements s’imbriquent et apportent une cohésion à l’aventure hasardeuse d’un berger affineur en colère puis en croisade. Gilet jaune avant l’heure, Pistolin se révolte contre les tout-puissants et les margoulins. Habité par son métier, nourri par son savoir-faire, il lutte contre les « multimonstres », aujourd’hui les Monsanto et autres GAFA baffrant la pulpe du monde. Grââvos sent son Davos faisandé. Sans perdre le fil, le scénariste construit son histoire de Fantasy fromagère et tend un miroir grossissant à nos dérives existentielles. La critique sociale et religieuse est bien distillée et l’amusement du lecteur reste constant de bout en bout. Le graphisme de Relom est particulièrement expressif. Son trait souple, émollient ne fait que mieux accuser les horreurs croisées en chemin, des monstres rugissant surgis des abîmes aux trognes ahuries des villageois vitupérant. Sous l’apparente bonhomie et le naturel mollasson transparaissent les dessous peu ragoûtants de l’âme humaine pétrie de contradictions. Scénariste et dessinateur ont l’art d’accommoder les contraires ; ils s’accordent pour faire rire à gorge déployée et grincer des dents en même temps.
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