Le maïeuticien du mot et du paysage.
La belle formule que mon ami helvète, l’écrivain, photographe, voyageur Jean Buhler (1919-2017) m’avait écrite il y a déjà trois décennies de cela pourrait s’appliquer à l’écrivain suisse Pierre-Laurent Ellenberger (1943-2002) : « J’enverrais bien paître quelques élans dans la toundra des songes ». Alors que les contrées traversées du « Marcheur illimité » sont géographiquement localisables, elles n’en constituent pas moins les arcs boutants d’une rêverie poétique. Passant de la Suisse à la Crète, les deux mamelles mémorielles et affectives de l’auteur (il enseigna le grec à Lausanne), Pierre-Laurent Ellenberger a le sens de la phrase chevillée au tempo de la marche : « Je dois écrire en imitant la marche… Ce qu’il faut, c’est lentement articuler les jointures… ». L’acuité du regard, critique et goguenard, la précision du verbe, incisif et lapidaire ne peuvent éviter des raccourcis qui auraient demandés à être explicités comme lorsque l’auteur écrit : « On ne marche pas pour voir ». Cela se discute parce que la voyance, par un « immense et raisonné dérèglement de tous les sens », par exemple, est aux antipodes de l’assertion du Suisse errant. Peccadilles mises à part, le trop bref ouvrage édité par l’Aire bleue est un régal de lecture ambulatoire qui donne des fourmis dans les jambes et avive la mémoire ouverte du marcheur illimité.
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