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[Bérézina | Sylvain Tesson]
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Franz



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Posté: Lun 31 Déc 2018 12:16
MessageSujet du message: [Bérézina | Sylvain Tesson]
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« Ils marchaient et ils étaient maudits ».
En 2012, sur sa motocyclette à panier made in Russia, Sylvain Tesson brave l’hiver boréal afin de commémorer à sa manière la retraite de Russie de 1812 soit deux cents ans après la Bérézina de Bonaparte. Avec quatre compagnons, deux Français, l’écrivain Cédric Gras, le photographe Thomas Goisque, deux motards moscovites, Vitaly et Vassili, l’équipée va rallier Moscou à Paris en suivant l’itinéraire historique de Napoléon dans sa fuite et de la Grande Armée dans sa débandade.
Moult critiques ont accueilli, couronné ou dézingué l’épopée de Sylvain Tesson. Il faut bien avouer que l’écrivain français a du panache et du talent. En s’attelant à un pan de la mémoire collective, l’effondrement d’un empire, il avive des plaies en soufflant sur des gloires effondrées. Pourtant, son livre n’est pas anecdotique. Il s’inscrit de plain-pied dans la geste napoléonienne que la glose ressasse depuis à l’infini. Bérézina est cadencé sur les treize jours du voyage, scandé par la course des side-cars sur le bitume dans la tourmente, émaillé de pensées incisives, de formules concises, constamment enrichi par des rappels historiques au plus près des hommes. Sylvain Tesson donne du sens à la débâcle. Même si ses interrogations sentent parfois le recuit ou l’à-peu-près quand il évoque l’idéalisme d’antan et l’individualisme d’aujourd’hui passant un peu vite sur l’extraordinaire ascension sociale qui a pu tenter bien des hommes de l’époque avec la fameuse promotion au mérite prônée par l’Empereur des Français, Sylvain Tesson réussit néanmoins le tour de force d’incarner et la masse et l’homme dans un même mouvement, sans grandiloquence mais avec maestria, allant crescendo jusqu’au passage de la Bérézina, acmé de la tragédie : « Ceux qui n’étaient pas morts trébuchaient sur les cadavres de ceux déjà tombés. Et les hommes avançaient, par des plaines à fendre l’être. Le froid avait calciné l’espoir, Dieu n’existait pas, le mercure chutait et ils mettaient encore un pas devant l’autre. Fous de souffrance, décharnés, gelés, mangés de vermine, ils allaient devant eux, des champs couverts de morts vers d’autres champs de linceuls. Chaque pas arraché constituait le salut en même temps que la perte. Ils marchaient et ils étaient maudits ».

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