Cet essai, qui remonte à 1966, est une introduction succincte et illustrée à la religion mazdéenne, telle qu'elle apparut en Iran apportée par les Aryens autour du IIe millénaire, fut réformée par Zarathushtra au VIIe s. av. J.-C., et telle que les Parsis la pratiquent encore de nos jours, en faible nombre, en Iran mais aussi dans quelques parties de l'Inde. Il se compose en parts presque égales d'une histoire de la religion ainsi que du personnage prophétique, et d'une brève sélection d'extraits commentés des différents textes sacrés : l'Avesta, le Zarâthusht-nâma, les Gâthâ.
Jean Varenne est un indologue et sanskritiste : son approche est donc particulièrement adaptée à relever les similitudes entre mazdéisme antique et brahmanisme, de même que l'histoire des Mazdéens qui, fuyant la chute de l'empire sassanide et l'islamisation de la Perse au VIIe s. ap. J.-C., s'installèrent en Inde où furent rédigés : le Dênkart, « encyclopédie mazdéenne » au IXe s., la « Vie de Zarathushtra » au XIIIe, les Riwâyat au XVIIe. Il apparaît donc clairement de l'ensemble de cet essai que les échanges démographiques, commerciaux, culturels au sens le plus large et spécifiquement religieux entre l'Iran et l'Inde ont toujours été vivaces, au point de suggérer une unique aire géo-historique s'étendant de la Mésopotamie bien au-delà de l'Indus, jusqu'au moins à Bombay.
J'ignore si des recherches philologiques et archéologiques ont infirmé certaines des thèses ici défendues. Pour ma part, j'ai trouvé un peu trop rapidement survolées (ou insuffisamment documentées) deux périodes : celle des Achéménides (entre Cyrus le Grand et Darius) au cours de laquelle, d'après ce que je sais, la mazdéisme, religion d'Etat, vécut cependant une « contre-révolution », réactionnaire et cléricale, par rapport à l'enseignement de Zarathushtra ; et celle des Sassanides (du IIIe s. à la conquête arabe) au cours de laquelle on assista à la compilation de l'Avesta qui – coïncidence ? - se superposa à la prédication de Mani (216-277) et à sa rapide éradication.
Concrètement, il m'a semblé, tout au long de la lecture, que l'auteur a cédé, en parlant de Zarathushtra, à des tentations de « modernisation » de sa pensée sur deux points, que peut-être un approfondissement des deux périodes ci-dessus indiquées eût pu corriger : une insistance trop appuyée sur le monothéisme qui aurait caractérisé le mazdéisme depuis Zarathushtra, et, dans le même sens, une trop faible attention au dualisme, qui apparaît comme un apport typique et spécifique de Mani. Lorsqu'on visite le Temple mazdéen de Yazd, avec ces citations des textes sacrés encadrées et traduites, et à entendre une guide de Persépolis aujourd'hui, cette tendance à la « modernisation » et à l'émoussement des différences avec les doctrines musulmane et chrétienne est encore plus évidente et, à mon sens, assez choquante.
En particulier, Varenne affirme :
« Cet hymne montre bien que le dualisme, au moins dans les Gâthâ, n'est pas une doctrine qui partagerait le monde entre deux dieux rivaux et égaux en puissance, mais la croyance au conflit actuel de deux hypostases divines au-delà desquelles règne un Dieu qui les transcende absolument. » (p. 166).
Or, je choisis deux extraits : le premier de Varenne lui-même, le second qui est un cit. de ce même hymne que l'auteur utilise pour sa démonstration contre le dualisme. Il me semble, personnellement, que c'est justement l'inverse qui est démontré...
Cit. :
« Du moins pouvons-nous avoir une idée générale du fond de la doctrine, sinon de ses détails, par la comparaison entre ce qu'était la religion aryenne au moment de la scission et ce que devint la religion iranienne après Zarathushtra : de polythéistes qu'elles étaient, les croyances se voulurent monothéistes ; le sacrifice cessa d'être sanglant et céda le pas, sans s'effacer totalement, à un culte d'adoration dédié à la personne divine ; les anciens dieux furent tenus pour des démons – quitte à retrouver une place clandestine dans la religion nouvelle ; enfin et surtout l'accent fut mis désormais sur les valeurs éthiques : gagner le ciel serait affaire de conduite quotidienne et personnelle, non d'exactitude rituelle ou de conformité à une norme sociale acquise à la naissance avec la caste. » (p. 50)
[Extrait des Gâthâ – poèmes de Zarathushtra – Yasna 30, strophes 3-5]
« Or, à l'origine, les deux esprits qui sont connus comme jumeaux
Sont, l'un, le mieux, l'autre, le mal
En pensée, parole, action. Et entre eux deux,
Les intelligents choisissent le bien, non les sots.
Et lorsque ces deux esprits se rencontrèrent,
Ils établirent à l'origine la vie et la non-vie,
Et qu'à la fin la pire existence soit pour les méchants,
Mais pour le juste la Meilleure Pensée.
De ces deux esprits, le méchant choisit de faire les pires choses ;
Mais l'Esprit Très Saint, vêtu des plus fermes cieux, s'est rallié à la Justice ;
Et ainsi firent tous ceux qui se plaisent à contenter, par des actions honnêtes, le Seigneur Sage. » (p. 166)
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