Le petit format de l’édition définitive parue chez Delcourt des aventures érotico porno soft des deux amies Liz et Beth ne rend pas totalement grâce au dessin élégant de Jean Sidobre (1924-1988) alias Georges Lévis, alias Sainclair, alias Sylvia. L’édition noir & blanc ne donne pas non plus la mesure des planches couleur de l’auteur, délicates dans les tons, au diapason des courbes sensuelles des personnages. Jean Sidobre passera sans heurt de l’illustration du Club des Cinq et du Clan des Sept aux folles étreintes de l’infatigable duo. Il faut dire qu’il reste quelque chose de l’enfance dans Liz et Beth. De fréquents retours en arrière permettent une plongée dans les premiers émois charnels et la force de l’œuvre est peut-être dans cet entredeux indéfini des âges troubles de l’adolescence entrevu ici sans vulgarité mais aussi sans pudeur. L’initiation du jeune Bastien par Gertrude, la bonne du curé, sentant le foin et l’étable puis les mésaventures avec la redoutable veuve du colonel, Madame Duverget à laquelle il faudra obéir au doigt et à la badine comptent parmi le fleuron du bouquet fort bien garni des tribulations et trémulations des deux comparses. Tout y passe : voyeurisme, saphisme, relations sado masochistes, initiations en tous genres et la liste n’est pas close. Malgré ces saccades en cascades, ces foucades en tornades, le lecteur ne s’offusque pas et prend plaisir à plonger dans les années 1970, bien naïves dans ses poussées libérant des femmes émancipées, sûres de leurs corps, confiantes en leur beauté, adeptes des jouissances sans entrave prônées en ces temps-là. A l’instar du philosophe athée Michel Onfray, Liz la blonde et Beth la brune auraient pu adopter le credo des hédonistes d’aujourd’hui : « Dieu est partouze » sauf que Dieu n’est jamais convoqué et que les orgies n’ont pas lieu dans la bande dessinée de Liz et Beth. G. Lévis de Monage, tel qu’il se définissait à travers un pseudonyme concocté avec l’humour de l’almanach Vermot, a su dresser un catalogue des pratiques libertines et fantasmées d’une époque définitivement révolue.
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