En 1904, S. M. Barrett, «inspecteur général de l'éducation» de Lawton (Oklahoma), rencontra un vieil Indien, prisonnier de guerre et déporté loin de son Arizona natal, à Fort Sill, où il terminait ses jours en cultivant des pastèques et en vendant des photos à son effigie : il s'agissait du célèbre chef Apache Chiricahua Go Khla Yeh, surnommé Géronimo, qui avait tenu en respect, des années durant, les troupes des États-Unis. Et Géronimo accepta de lui raconter sa vie... C'est ainsi qu'aujourd'hui nous pouvons lire ce document, ce témoignage irremplaçable venant du camp des vaincus sur le génocide des Indiens d'Amérique qui marqua la «conquête de l'Ouest».
Il y eut, naturellement, des atrocités commises des deux côtés pendant cette «Longue Agonie» du peuple indien, et Géronimo ne les élude pas. Mais il raconte aussi le mode de vie des Chiricahuas : comment, dès l'enfance, les Chiricahuas élèvent leurs enfants mâles pour qu'ils deviennent forts et rapides, pour en faire des pilleurs de convois, habiles à se cacher et à s'esquiver, et des ennemis implacables de tout individu qui n'appartient pas à la tribu, car les Apaches vivent d'"expéditions" (ou plutôt de pillages). Mais les Apaches détiennent aussi l'héritage inestimable de ceux qui vivent si proche de la nature qu'ils ne peuvent jamais oublier qu'ils en font partie et qu'elle fait partie d'eux. Et c'est la combinaison de ces traits culturels, guerre éclair et attachement immuable à la terre, qui permit aux Chiricahuas d'éviter la rédition ultime pendant plus de dix ans.
Quant à l'exactitude de l'ensemble, il est évident que Géronimo a choisi de ne pas tout dire : son récit comporte de nombreuses lacunes et omissions (j'ai regretté notamment qu'il n'en dise pas plus sur sa vie familiale et sur ses relations parfois conflictuelles avec les autres chefs de guerre indiens). Mais il ne faut pas oublier que Géronimo est prisonnier de guerre quand il fait ce récit, et s'est aussi un homme qui regrette, à la fin de sa vie, de s'être rendu. Toutefois ces
Mémoires de Géronimo sont l'un des rares textes que l'on puisse opposer à tout le folklore de la conquête de l'Ouest, et c'est toute l'épopée des derniers Apaches qui revit dans ces pages écrites avec un dépouillement qui en rend les détails plus poignants.
le cri du lézard
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