Voilà qu'à la cinquantaine, sur l'un des présentoirs de la médiathèque de ma ville, je vois réalisé l'un des rêves de mon adolescence : une méthode d'enseignement du latin en bédé ! Ah ! que l'étude de cette langue eût été moins cauchemardesque pour moi si un tel ouvrage avait existé à l'époque ! Si quelque pédagogue avisé avait su tirer profit des avancées de la glottodidactique des langues modernes... Si j'avais pu me persuader (à défaut de l'être par autrui) que la fonction de l'apprentissage des langues anciennes (le grec aussi était au programme) pouvait être autre que la seule compétition scolaire avec d'autres malheureux binoclards boutonneux, compétition que nous devions vaincre haut la main afin de nous inscrire dès le plus jeune âge dans l'élite intellectuelle vouée à perpétuer la transmission du capital symbolique le plus légitime... Et portant, dans tant d'autres domaines, mon esprit jouissait déjà fortement de la fraîche découverte de nouveaux savoirs, et ne reculait aucunement devant l'effort nécessaire à s'en saisir. Mais le gai savoir était proscrit de ces cours (il faudrait pour moi aller étudier à l'étranger pour l'y trouver) et à l'évidence il n'était envisageable d'apprendre le latin et le grec qu'exactement de la même manière qu'ils avaient été enseignés chez les bénédictins du Haut Moyen-Âge, pas même chez les humanistes de la Renaissance !
Je me perds dans la rêverie que les auteurs de cet ouvrage aient mon âge aujourd'hui, et que ce travail représente pour eux la revanche adulte vis-à-vis de sentiments et ressentiments juvéniles semblables aux miens...
En tout cas, une fois pris ce livre en main, je n'ai pas pu lâcher l'histoire d'Alana, la belle et volage blonde plantureuse venue de Germanie et de Quintus Calandulus, le jeune marchand amoureux. Je ne prétends pas, avoir diligemment complété en un après-midi tous les exercices grammaticaux, y compris les grilles de « mots à retrouver » ; néanmoins, j'ai eu la satisfaction de savoir déchiffrer les planches des bédés quasiment sans avoir recours à la traduction insérée dans les marges ni au lexique présent en fin de volume, et de vérifier dans les corrigés que j'avais plutôt bien réussi les traductions des phrases de chaque chap....
Je peux affirmer aussi que je suis persuadé que les qualités graphiques, la mise en page, l'humour, les quelques rebondissements de l'histoire d'amour, mais aussi la variété des exercices de langue et les contenus culturels sont sans doute parfaitement adaptés à captiver, à l'instar de moi-même, un lectorat adolescent pourvu qu'il soit minimalement éveillé. La progression me paraît bien réfléchie et à aucun moment le lecteur n'est infantilisé, malgré la visée d'initiation absolue à la langue et à la civilisation latines. Par contre, j'ignore si les contenus – en particulier grammaticaux – sont conformes aux contraintes des programmes ministériels actuels et s'il serait aisé de transformer les 12 chapitres de ce livre en unités didactiques.
En conclusion, je convie très fortement les quelques ami.e.s que je sais chargé.e.s de la pénible tâche de l'enseignement du latin au lycée actuellement à prendre connaissance de cette magnifique initiative éditoriale, ne serait-ce que mû.e.s par le même esprit de respect et de confiance envers la jeunesse que je nourris personnellement et que je reconnais sans difficulté chez les auteur de la méthode. Imitez donc la belle Alana, langoureusement allongée dans les bras de Quintus au pied d'un arbre, au début du chap. conclusif : « Docere aut delectare volo. Utrumque si possum »... !
Sommaire
I. - Mercator bonus :
Vocabulaire : Les mots interrogatifs – Acheter et vendre des marchandises – Les sentiments.
Grammaire : Les mots des 1re, 2e et 3e déclinaisons au nominatif et à l'accusatif – Les adjectifs de la 1re classe – Les conjugaisons et le verbe 'esse' à l'infinitif [...] - 'Is ea id' au nominatif et à l'accusatif – Le sujet, le groupe verbal, 'esse + groupe nominal', le complément d'objet et l'attribut.
Culture : Les Ubiens – Le commerce entre les Romains et les Germains
II. Undique periculum amoris instat :
Voc. : La famille – Le corps
Gramm : Déclinaisons : génitif, datif et vocatif – Les adjectifs possessifs – Conjugaisons au présent actif (début) – Traduction : la méthode du pendule.
Cult. : Le clientélisme romain – La vie à la campagne
III. Medicamentum optimum :
Voc. : La médecine – La nature – Les prépositions
Gramm. : Déclinaisons : ablatif – Le pronom-adjectif démonstratif et personnel 'is, ea, id' – Le pronom relatif 'qui, quae, quod' – Le pronom démonstratif 'ille, illa, illud' – Conjugaisons au présent actif (suite) – L'impératif – La proposition infinitive
Cult. : La médecine romaine
IV. Animus singularis :
Voc. : L'hospitalité – Exprimer une quantité
Gramm. : Les conjonctions de coordination – Les conjonctions de subordination – Le parfait à la voie active – Les adjectifs de la 2e classe – Le verbe 'ire' – Les pronoms réfléchis
Cult. : La famille romaine – Le rôle des femmes dans la Rome antique
V. De viris ambitiosis :
Voc. : La formation – La célébrité – Le mouvement – La mort
Gramm. : 'Hic, haec, hoc' – Le comparatif et le superlatif de supériorité – L'imparfait – Le plus-que-parfait
Cult. : Cicéron – La mythologie grecque
VI. De femina irata :
Voc. : Les mots interrogatifs – La religion – Le pouvoir – La langue – Les phénomènes célestes
Gramm. : La 5e déclinaison – Le futur – Le verbe 'velle'
Cult. : Les dieux – le Forum romain et les sept collines de Rome
VII. De cultu vehementi :
Voc. : L'adoration – Les courses de char – Les aliments
Gramm. : La 4e déclinaison – Les adverbes – Le passif
Cult. : Narcisse – Les jeux, les curses de chars et le Circus Maximus
VIII. De advocato optimo :
Voc. : Le tribunal
Gramm. : Le participe parfait passif – Le parfait passif – Le plus-que-parfait passif – Le participe apposé
Cult. : Le système juridique romain
IX. De rhetorica :
Voc. : L'art du discours
Gramm. : Le participe présent actif – L'ablatif absolu
Cult. : La rhétorique – Le système bancaire et monétaire – Le tourisme
X. De urbe condita :
Voc. : La guerre
Gramm. : Le subjonctif imparfait – Le subjonctif plus-que-parfait – L'irréel du présent et du passé – La conjonction de subordination 'cum ferre'
Cult. : Le mythe de la création de Rome
XI. Gladiator novus ?
Voc. : Aller et venir - Parler
Gramm. : Le subjonctif présent – Les propositions introduites par 'ut' – Le subjonctif parfait – Les verbes déponents – L'attribut – Les proposition infinitives avec un nominatif
Cult. : Les gladiateurs – Le Colisée
XII. De populis coniugendis :
Voc. : L'art
Gramm. : Le gérondif – L'adjectif verbal – Le participe futur actif – L'infinitif futur actif – Le subjonctif dans une proposition indépendante – Le souhait
Cult. : L'art dramatique et le théâtre dans la Rome antique
Annexes :
Corrigés
Vocabulaire des chapitres
Lexique latin-français
Cit.
1. « [Quintus] : - Et cor meum vendo. Me corrigere debeo, nam non verum est. Cor meum iam habes.
[Alana] : - Cor iam habeo. Duo cordia habere non cupio. » (pp. 15-16)
2. « [Pater] : - Undique nobis Ubiis periculum capitis instat.
[…] Ecce homo ! Quis est ? Cur villae rusticae nostrae appropinquat ?
[Alana] : - Quintus Calandulus est. Mercator est.
- Merces non video. Quid ergo cupit ?
- Fortasse amorem filiae tuae cupit. Undique periculum amoris instat, pater. » (pp. 27-28)
3. « [Cicero] : - Ubi amicus tuus est ?
[Alana] : - Nescio. Eum amisi. Et mea culpa est.
- Cur ?
- Cupiditate agitatoris pulchri capta amicum amisi. Ab eo valde culta Quintum reliqui.
- Te reprehendere debeo. Id facinus malum est.
- Scio et doleo.
- Visne amicitiam Quinti recuperare ?
- Eum mihi ignoscere volo. Et de ea re laborabo.
- Tibi adero. » (pp. 113-114)
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