Cela fait beaucoup de bien au moral, un essai d'Histoire facétieux mais bien documenté qui réunit un faisceau de faits historiques connus ou les réinterprète à l'aune d'une explication triviale. Le premier travail de ce genre que j'ai lu, je pense, est l'un des essais de Carlo M. Cipolla qui avance que la chute de l'Empire romain fut causée par la catastrophe sanitaire due aux tuyauteries en plomb qui approvisionnaient en eau potable les habitants la Cité éternelle...
Ici, il est question d'alcool : depuis la modification génétique qui permit à nos ancêtres de métaboliser plus efficacement que les autres primates l'éthanol produit naturellement par les fruits mûrs en état de fermentation. Les circonstances historiques reportées sont variées et proviennent de multiples horizons ; ayant nature d'anecdote, leurs conséquences ne sont cependant jamais anecdotiques. Ainsi apprenons-nous par exemple, que la révolution du Néolithique fut celle des bouillies de céréales fermentées (archétypes de la bière) avant d'être celle des céréales cuites (archétypes du pain), que la révolution américaine fut une question de taxation du rhum et que sa correspondante française fut initiée par la « guerre des barrières de l'octroi » c-à-d. une question de taxation du vin dans l'enceinte de la Capitale : d'ailleurs, à ce sujet, le bât blessait depuis 1351...
À mesure que les événements se rapprochent du présent, l'étonnement diminue, notamment quand il s'agit des abus d'alcool en Russie-URSS-Russie et aux États-Unis ; pourtant, les faits et leurs répercussions sont toujours inattendus par leur ampleur – la défaite russo-nippone, l'évitement de la Troisième Guerre mondiale lors de la guerre du Kippour, la catastrophe tchétchène de 1994 – et la prose du journaliste est invariablement alerte, drôle, tonifiante spécifiquement grâce à l'usage de la multitude impressionnante de substantifs et d'expressions liés à la boisson que compte la langue française...
Table :
Chap. I : Afrique. Il y a dix millions d'années. Homo picolus booste sa génétique.
Chap. II : Proche-Orient. 8000 av. J.-Ch.. « - Un peu de pain ? - Non merci, un demi. ».
Chap. III : Égypte. 2600 à 1300 av. J.-Ch.. Des pyramides pleines de mousse.
Chap. IV : Babylone (Mésopotamie). 323 av. J.-Ch.. Alexandre le Grand achevé par le picrate à trente-deux ans.
Chap. V : Raz de Barfleur (Manche). 25 novembre 1120. Un capitaine soûl provoque une guerre de succession anglaise.
Chap. VI : Forêt de Chizé (Poitou). 21 mars 1373. La guerre de Cent Ans bascule grâce à un bon petit saumur.
Chap. VII : Paris (France). 28 janvier 1393. Le duc d'Orléans enflamme le bal des Ardents.
Chap. VIII : Constantinople (Empire ottoman). 12 décembre 1574. Hammam fatal pour Selim l'Ivrogne.
Chap. IX : Boston (Amérique du Nord). Nuit du 16 au 17 décembre 1773. La révolution américaine doit tout au rhum.
Chap. X : Paris (France). 10 au 13 juillet 1789. La Révolution française déclenchée par le jaja.
Chap. XI : Paris (France). 28 août 1844. Le marxisme, fruit d'une beuverie de dix jours !
Chap. XII : Théâtre Ford de Washington (États-Unis). 14 avril 1865. Pendant que Lincoln est assassiné, son garde de corps picole au saloon.
Chap. XIII : Francfort-sur-le-Main (Allemagne). 9 mai 1871. Fait au cognac, Bismarck accepte d'évacuer la France !
Chap. XIV : Port-Arthur (Mandchourie). 5 janvier 1905. Le Japon défait la Russie grâce à dix mille caisses de vodka.
Chap. XV : Tranchées du nord-est de la France. 1914-1918. Vin français 1 – schnaps allemand 0.
Chap. XVI : URSS. 1922-1953. La vodka, baromètre de la diplomatie stalinienne.
Chap. XVII : Corée du Nord. 1948 à aujourd'hui. Les Kim Jong aussi bourrés que cintrés.
Chap. XVIII : Fort Worth (Texas). 22 novembre 1963 – 3 heures du matin. Les gardes du corps de JFK vont avoir la gueule de bois.
Chap. XIX : Washington (États-Unis). Nuit du 24 au 25 octobre 1973. Nixon ivre mort en pleine alerte nucléaire.
Chap. XX : Mozdok (Russie). 31 décembre 1994. L'assaut sur Grozny décidé lors d'un réveillon à la vodka.
Cit. :
Incipit biblique : « Afrique. Il y a dix millions d'années. Homo Picolus booste sa génétique.
La guenon Cheeta descend de son acacia, attirée par une belle odeur de putréfaction. Au pied de l'arbre, une pomme gît marron et suintante, entourée de mouches et moucherons volant de façon erratique. La guenon est une grosse fainéante mais elle n'a pas le choix. L'assèchement climatique la force à quitter ses chères branches dénudées. Parvenue en bas, elle se saisit du fruit et le croque avidement. Aussitôt, une douce langueur l'envahit. C'est décidé, elle ne remontera plus jamais dans son acacia. Cheeta vient d'inventer le calva. »
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