[Walking Dead. 31, Pourri jusqu'à l'os | Robert Kirkman ; Robert Adlard]
L’émeute.
Comme naguère le roi en son époque révolue, Pamela Milton, gouverneuse de la Communauté forte de ses 50 000 âmes, prend carrosse et parcourt le vaste monde zombifié, en visite diplomatique avec Rick Grimes afin de constater de visu l’existence d’Alexandria et de ses satellites, potentiels groupements ruraux aptes à pourvoir en produits de bouche son bel Etat policé. Il faut que le péquenot montre patte blanche. Malgré quelques escarmouches en chemin, tout semble se jouer sur du velours jusqu’au retour dans la Communauté où le système des castes a généré suffisamment de frustration pour qu’émeutes explosent et mort s’ensuivent.
Pamela, lisse et propre, la frange fofolle mais domptée a su reproduire un système politique basé sur la hiérarchie, l’exploitation et la jouissance des nantis au détriment d’une masse laborieuse cadenassée dans ses aspirations sociétales. Au prétexte de bénéficier d’une relative prospérité et d’une sécurité assurée, les membres de la Communauté perdent leurs libertés. Qu’une querelle personnelle éclate et dégénère entre un civil et un policier, les émeutes embrasent la rue, aussi sec qu’un coup de trique !
Le scénariste Robert Kirkman, fort du succès de sa série phare déclinée à l’envi (série télévisée, romans, jeux vidéo), prend le temps d’installer ses ambiances, d’instiller ses poisons, d’insuffler le doute. En donnant à voir simultanément la vie dans différentes communautés, il permet que les lectures se chevauchent et s’enrichissent, confrontant diverses situations, entre reconstruction et gâchis, amour et discorde, progrès et dégringolade, une lutte constante entre l’ordre et le chaos. Que faut-il abdiquer pour être protégé ? Un système liberticide est-il tenable à long terme ? Comment contrecarrer les dérives d’une organisation ? Bien des questions sont posées en filigrane, bien des comparaisons avec l’actualité se font, même si la bande dessinée prévaut. L’action jaillit, sporadique mais elle est préparée, accompagnée. Elle fait sens et induit des conséquences. Charlie Adlard a nettement progressé dans le rendu des expressions faciales, moins figées la bouche grande ouverte et l’œil révulsé, plus riches de sous-entendus. Sa mise en page et ses cadrages intensifient les échanges entre les personnages. Bien plus pernicieuse que son homologue masculin, feu le Gouverneur, Pamela Milton, femme à poigne incapable de contrôler son fiston, prend le temps de gagner la sympathie et le cœur de ses futures ouailles mais les illusions sont tenaces et la lucidité déflagrante. Le suspense en fin de volume n’annonce pas des lendemains de fête.
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