Baudelaire fort rêveur.
Brûler sa vie à lire, dans l’ombre de bibliothèques intimes et fragiles : brièveté des passages, profondeur des replis. Pour Gérard Macé, nous autres, fervents lecteurs caractérisés par « le plaisir de la lecture, la curiosité de tout et une médisance sans âge », constituerions à notre insu une société secrète, faisant fi des choix et des recommandations d’usage, traçant nos chemins à façon. Baudelaire, poète maudit par le bourgeois puis castré par de doctes enseignants n’a pourtant jamais constitué une lecture obligée. Riche, subtil, profond, Baudelaire, tel l’immense cygne boitant sur les pavés parisiens, « ridicule et sublime », possède bien des facettes que Gérard Macé, en lecteur attentif, dévoile en partie, selon un parcours personnel dans l’œuvre cohérente du grand démiurge. L’anthologie est introduite en page liminaire par le portrait de Baudelaire, alors âgé de 42 ans environ (il lui reste encore quatre années à être de ce monde-là), réalisé par Etienne Carjat (1828-1906), photographe inspiré mais aussi Vilain Bonhomme blessé par Rimbaud au cours d’une altercation, effaçant les épreuves du Voyant en représailles envers… l’humanité, tout compte fait. Baudelaire fixe l’objectif et retient le lecteur d’aujourd’hui par l’intensité de son regard. Gérard Macé introduit ensuite son anthologie en 35 pages éclairantes. Quelques jalons de sa Correspondance précèdent Les Fleurs du mal triées sur le volet. S’ensuivent Le Spleen de Paris, un éloge du maquillage, quelques pages du Salon de 1859, la Morale du joujou, Etudes sur Poe, Mon cœur mis à nu : « Être un homme utile m’a paru toujours quelque chose de bien hideux », le pamphlet Pauvre Belgique et enfin Fusées. Le lecteur peut regretter que « le vent de l’aile de l’imbécillité » ait pu vitrioler et affadir la plume et l’esprit du poète en fin de course mais le recueil concocté par Gérard Macé apporte de l’ampleur au portrait intellectuel de Baudelaire, toujours vif et tranchant, élaboré et voluptueux.
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