Le poète Ludovic Janvier donne à sentir ses sensations issues de la marche à pied :
"un vent au goût d'eau froide et d'herbe remuée" ; « on respire à cœur un envoi d’herbe/émané de la dernière eau » ; « encore le ciel d’une traite/l’air de l’herbe à pleins poumons ». Cette manière d'être et de dire est déjà remarquable. Ensuite, derrière une apparente trivialité, la pudeur du poète se voile d'ironie et d'humour mais les vers qui parlent de la solitude ou de la peur de tout perdre explosent, instantanément compréhensibles, grenades projetant des mots en éclats, mitraille aux multiples impacts qui ne cicatriseront pas, laissant le lecteur pantelant et conquis.
"En prison dans tes odeurs tu connais ?/l'envie de pleurer pour un non tu connais ?/la solitude à en gémir tu connais ?..." Le poème dans son ensemble n’emporte peut-être pas une adhésion complète mais les vers étincelants n’en paraissent que mieux sertis et plus saillants. L’apparente banalité d’un poème se trouve renversée par un vers fulgurant :
« venu nager pour être plus léger que moi/sous la mer j’ai vu le froid qui m’attendait » ; « Hier pour me quitter j’avais choisi le vin blanc » ; « Il y a le jour grand ouvert/à la hauteur de ton absence ». Parfois, un inventaire poétique démarre comme un préambule de loi :
"Vu les fontaines de fraîcheur dans le moindre feuillage/vu ton regard et la clarté qu'il ouvre en moi/vu ce calme dans l'air qu'on respire une ou deux fois par an/...vu la patience du marcheur dans la brume et les gris/... bon d'accord allez je reste". On aimerait avoir un tel ami pour cheminer et respirer de concert. Reste un recueil de poèmes fraternels qui palpite au fond du sac à dos. Malgré une existence jalonnée de perte et d’abandon, notre présence au monde peut aussi être une révélation. C’est ce que nous dit le poète en filigrane. Oui,
« jouir nous éblouit » !
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