Claude Roy (1915-1997) est un humaniste du XXe siècle et une homme de la renaissance lorsqu’il survécut à un cancer du poumon en 1982, s’octroyant un permis de séjour d’une quinzaine d’années supplémentaires pendant lesquelles il publiera six volumes d’un journal exceptionnel. 2e opus après « Permis de séjour » (1977-1982), « La fleur du temps court sur les années 1983-1987. Les carnets de bord entrecroisent avec bonheur portraits, poésie, aphorismes, relations de voyage et réflexions. Le lecteur émerveillé embarque sur les chemins d’écriture d’un homme bon et lucide, cultivé et intelligent. La prose est fluide, vive et souvent lumineuse. Le poète seconde le littérateur quand il faut rendre compte plus en profondeur d’une idée ainsi, par exemple, de la difficulté à traduire une œuvre : « J’ai vécu cette nuit-là à Moscou ce que j’avais vécu à Hangzeou avec Lo Dakang, en essayant avec lui de traduire Li-Po ; ce que j’avais vécu à Rome avec Antonella, en essayant de traduire Leopardi : la folie heureuse et douloureuse de « l’essayer-de-faire-passer », faire passer ce qui coule entre les doigts et fuit comme l’eau vive, comme l’odeur de menthe fraîche, comme le sable si fin de certains déserts, à peine un peu de vent doré chuchotant dans la main, qui déjà n’est plus là quand on croit encore deviner sa caresse ». Jamais rassasié de vivre, l’auteur goûte tous les instants passés au prisme des sensations. Depuis qu’il connaît par ses tripes son sursis sur cette terre, la poésie devient vitale, capable de rétablir des équilibres internes en réglant les flux dont le souffle. Les poèmes sertis dans la prose du journal n’en prennent que plus de relief, accusant failles et abîmes sous la lumière crue de la lucidité. Disant le monde avec les mots, Claude Roy sait très bien évoquer le souvenir des rencontres, celle d’Octavio Paz notamment. 1985 est aussi l’année de la disparition de Simone Signoret. L’auteur brosse à grands traits un portrait enlevé, émouvant, envoutant. Venise, Belle-Île-en-mer, Londres, Japon, les carnets se succèdent, se superposent mais continuent d’irradier sous les strates comme la lumière dans une peinture de Van Eyck.
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