[Haggarth. I, Le crâne aux trois serpents ; II, Le jeu d’échecs ; III, Le paradis maudit | Victor de la Fuente]
Les éditions Casterman propose une superbe intégrale en noir & blanc du bûcheron errant, Haggarth, de l’époustouflant dessinateur ibère Victor de la Fuente. Le grand format et la qualité de l’impression permettent la mise en valeur des contrastes avec de splendides aplats noirs d’une grande densité ; un seul volume réunit des histoires éparpillées, la 3e est inédite en France, la 4e est inachevée et le restera car Victor de la Fuente est hélas décédé en 2010. Il est donc possible de s’émerveiller d’un tel talent, de la puissance du graphisme, de la composition impeccable des images, du dynamisme de l’ensemble. Pas une case ne peut être prise en défaut. Les corps sont splendidement dessinés notamment ceux des femmes que l’auteur semble bien connaître et beaucoup aimer. La 3e aventure montre un graphisme moins serti dans les profonds aplats noirs du début, plus ailé avec un travail d’orfèvre sur les hachures. Du coup, le paysage jusqu’à lors suggéré s’incarne, se nuance et devient une composante à part entière de l’histoire. Le scénario est quant à lui très daté fin des années 1970. Les deux premiers épisodes ont paru dans la revue A Suivre en 1978 et 1979. « Le crâne aux trois serpents » s’ouvre sur le raid orchestré par Haggarth et sa bande dévouée de guerriers à destination d’un monastère. Les moines conservent la relique du crâne et la défendent bec et ongles. Les villageois viennent prêter main forte. Haggarth et sa troupe sont décimés. Moribond, le chef barbare est recueilli par un colporteur qui s’est aussi chargé d’un bûcheron aveuglé pendant la bataille. Il les emmène chez une sorcière qui propose un deal infernal à l’honnête aveugle. S’il veut recouvrer la vue, il devra s’incarner dans la dépouille d’Haggarth. Le voyage de l’égaré peut alors commencer. La banalité de l’univers d’heroïc fantasy ici décrit avec tous ses poncifs est à remettre dans son contexte, trente ans en arrière, si le lecteur ne veut pas décrocher immédiatement. La 2e aventure est particulièrement pénible à déchiffrer tant les tergiversations du héros schizophrène emplissent les bulles et les cases. On patauge dans le discours oiseux. Heureusement, le dessin est exceptionnel et relève bien haut une histoire somme toute ennuyeuse.
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