[Les Aventures de Tintin. 4, Les cigares du Pharaon : fac similé noir & blanc de l'éd. de 1942 | Hergé]
Un paquebot fend en oblique la pleine page et la mer en début d’album. Tintin, cravate au vent, est accoudé au bastingage et discute avec Milou juché sur la rambarde. L’homme et le chien entretiennent la conversation à propos de leur croisière jusqu’en Extrême-Orient via l’Egypte, le Yémen, l’Inde et la Chine. Le fox-terrier se plaint de la lenteur du voyage, de la chaleur et de l’ennui quand un homme apparaît, demandant à ce qu’on intercepte un papier poussé par le vent, dans le sillage du bateau. Un marin, croyant qu’il faut arrêter Tintin lancé à la poursuite du document envolé, l’intercepte et laisse le papier disparaître par-dessus bord. Ils sont contrits tous deux, le marin par sa bévue, Tintin par son échec alors que le curieux bonhomme en redingote et chapeau haut-de-forme s’est éclipsé. Tintin retrouve l’olibrius dans une chaloupe suspendue, en train de ramer dans le vide. Il fait sa connaissance. Il s’agit d’un égyptologue qui part à la recherche du tombeau du Pharaon Kih-Oskh. Savant, distrait et visiblement miro, il représente un avatar du professeur Tournesol qui ne sera créé que neuf ans plus tard, en 1943 dans Le trésor de Rackam le Rouge. Tintin décide de prêter main-forte au savant afin de dénicher le tombeau mais il est dénoncé et arrêté à bord par les agents X33 et X33bis, soit les Dupond et Dupont, pas encore totalement incompétents, car on a retrouvé de la cocaïne dans ses bagages. Les péripéties vont se poursuivre en Arabie et en Inde avec le démantèlement d’un trafic d’opium dissimulé dans des cigares. Tintin devra vaincre un fakir maître de l’hypnose.
L’album semble encore improvisé quant à son déroulement narratif comme si le scénario s’élaborait à mesure que l’aventure vient à Tintin. L’album suivant, Le Lotus bleu, sera documenté et autrement construit. L’étonnement provient toujours du sens du rythme, de l’absence de temps mort, d’un déroulement cinématographique. Des personnages emblématiques prennent place, le milliardaire grec Rastapopoulos, les deux crétins patentés que sont les Dupondt. Les pleines pages couleur sont de pures beautés visuelles avec un modelé remarquable de la lumière et des ombres. La couverture de l’album est splendide. Les phylactères ne trouvent pas toujours leur place dans l’image mais la lecture est agréable car les cases sont grandes et l’histoire prend le temps de se déployer sur plus de 120 pages, soit le double des albums suivants. L’usage des trames de gris n’est pas encore au point et la physionomie des personnages n’est pas complètement assurée. Pourtant, la patte du maître est bien là, visible dans des dessins qui se débarrassent de la matière et dont le trait vivant préfigure déjà la ligne claire.
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