Atypique, la bande dessinée d’Emmanuel Lepage tient du journal, du carnet de croquis. Elle donne à voir, à sentir et à comprendre le voyage qu’il a entrepris en 2010 à bord du Marion Dufresne II, navire chargé pour ravitailler en vivres et carburant les bases scientifiques établies sur les terres australes françaises, les îles Amsterdam et Saint-Paul, les archipels Kerguelen et Crozet. Un désistement de dernière minute permet à Emmanuel Lepage de réaliser un voyage unique, exceptionnel, conforme à ses rêves d’enfance, découverte kaléidoscopique, labyrinthique, émerveillée de terres lointaines, presque inaccessibles, quasi mythiques. La lenteur du voyage est perceptible dans le découpage du récit, les détails dessinés. Le rapport au temps et à l’espace s’en trouve ainsi amplifié. Les découvertes des îles et des hommes prennent davantage de relief et acquièrent un poids supplémentaire, une présence accrue. Souvent en noir, blanc et gris, les dessins apparaissent soudainement en couleurs aquarellées plein page telles des illuminations enchanteresses. Un charme immédiat s’en dégage et met le lecteur ravi en lévitation. Un des nombreux mérites de cette mise en scène dessinée est de mettre des images sur des récits, des histoires et des impressions fragmentaires. On apprend aussi au passage des choses passionnantes sur la reproduction des pucerons par exemple ou encore l’adaptation des mouches au vent. Derrière les fusains et les pinceaux de l’auteur, on s’immisce sans jamais s’incruster dans le quotidien d’hommes remarquables que les conditions extrêmes magnifient. Il y a de l’humilité, de la grandeur, du souffle et une manière étonnante d’habiter le monde. Tout cela transparaît dans cette bande dessinée d’exception.
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