[LA FEMME SEULE ET LE PRINCE CHARMANT. Enquête sur la vie en solo | Jean-Claude Kaufmann]
« Or, dans le sujet qui nous préoccupe, l’histoire joue un rôle central. Elle emporte irrésistiblement dans son cours des individus qui ne comprennent pas toujours ce qui leur arrive » (p. 124).
Ainsi est posé le cadre sociologique, dans lequel la portée subversive, voire révolutionnaire du mode de vie des femmes seules – « s’engageant dans une trajectoire d’autonomie » corollaire de l’impératif pluriséculaire de l’individuation du social et de l’abandon de l’holisme – s’inscrit dans un sillon collectif et lié à la « pulsion historique ». Car les comportements individuels changent, à une vitesse accélérée, mais les représentations sociales extérieures – le « doigt accusateur » – ainsi que l’auto-représentation par rapport au modèle dominant de la vie privée et à l’archétype du Prince charmant demeurent presque invariables, au fil des siècles. L’individu est donc tenaillé par le dilemme entre un choix assumé, autonomie assurée, et une condition de solitude subie dans l’attente (« vivre par défaut »), dilemme qualifié de « vie en deux » qui se manifeste alternativement ou en simultané chez la plupart des femmes seules, dans une multiplicité de circonstances, et dont l’intérêt est qu’il semble à jamais irrésolu.
Le résultat du croisement des deux matériaux sociologiques de départ (cf. la récente note de lecture de Chlorine et mes modestes commentaires) est résolument un modèle de portrait moyen de femme seule (avec un certain nombre de variations sur le thème, évidemment), lequel atteint parfois une considérable précision de détails, tout en pâtissant de quelques répétitions et longueurs. Le matériau qualitatif (les lettres envoyées à Marie-Claire) était sans doute de très bonne qualité, et par conséquent j’ai éprouvé le regret qu’un usage un peu plus extensif et « littéraire » de citations plus longues n’ait pas été préféré. A la fin de la lecture, toutefois, j’ai éprouvé surtout une gêne supplémentaire de nature contraire, à savoir que la perspective retenue ait été quasi uniquement centrée sur le sujet, sur la femme seule, au détriment de l’analyse historique (présente dans deux courts chapitres et dont le survol trop rapide constitue aussi un regret de l’auteur), ainsi que d’une perspective plus large, tenant compte davantage du contexte extérieur influençant la femme seule, tout particulièrement lorsque prévaut l’aveu que son mode de vie est subi plus que choisi.
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