Fureter chez un libraire ou dans une bibliothèque près de rayonnages où palpite la poésie glissée dans l’alvéole des livres c’est presque à coup sûr risquer la pollinisation de l’esprit par capillarité. Les pattes de mouche des mots corsètent à peine le souffle poétique qui circule autour des lettres, dans le blanc du papier. Rien à faire, j’ai été choisi par le journal poétique d’Yves Leclair, par son titre d’abord, Bâtons de randonnées. Bien m’en a pris. Les douze mois de l’année s’égrènent en douze ragas, mouvements mélodiques cadencés. L’auteur « reprend les chemins d’ici » comme a pu l’écrire Arthur Rimbaud en son temps. Il est dans son jardin en début d’année avec son « Raga du bol, du bâton et de la porte en janvier ». Les courts chapitres en brefs paragraphes aérés sont au diapason d’une écriture fluide, précise, simple et concise. Le lecteur est bercé par des rythmes souterrains à l’écriture, l’esprit titillé à la fois par une érudition en apesanteur et des observations légères prises au quotidien dans un monde flottant. Yves Leclair convoque beaucoup de monde, tant Hölderlin que Confucius, William Cliff que le Tao-te-king, le rouge-gorge (« petit soliste…, boule orangée qu’ébouriffe la misère de ce vent de janvier. Il grelotte, seulet, chante à mon huis, frère capucin des ordres mendiants ») que la jonquille. Les nombreuses citations et haïkus s’insèrent agréablement dans un texte sans cesse aux aguets d’une vie poétique qui se dérobe d’un regard ou d’un mot, toujours prompte à révéler ses atours à qui le désire vraiment. Comme l’écrit Puzhuang, poète chan du XIVe siècle : « Dans la vie quotidienne, la majesté réside ».
----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur
Wikipedia]