Bone a un bout d’os dans la mémoire. Il habite un corps au présent mais ses souvenirs ont disparu. Bone est un sans-abri parmi les spectres qui hantent les rues de New York. Il déambule avec un fémur humain à la main ce qui lui vaut son surnom. Son apparition est concomitante à des meurtres en série où les victimes, pauvres d’entre les pauvres, se retrouvent décapitées. Récupéré par les travailleurs sociaux de la ville, Bone émerge d’un état cataleptique alors qu’il est accroupi sous la pluie depuis deux jours. Dès qu’il est hospitalisé, les crimes cessent. Bone est soupçonné et lui-même doute puisque sa mémoire lui fait défaut. A la plongée dans les méandres d’une mémoire va s’associer une immersion dans la grande misère new-yorkaise, ceci afin d’essayer de réveiller des souvenirs par la stimulation de sensations enfouies. L’introspection de Bone donne encore plus de force au bain d’indigence dans les souterrains de la cité. A évoluer, des boyaux de la tête de l’amnésique à ceux de la mégalopole où errent des zombies, des rats mutants et des chats sauvages, le lecteur pourrait éprouver un sentiment de claustrophobie mais l’intrigue est bien tendue d’un bout à l’autre du roman, moteur turbo et fil d’Ariane où l'on évolue comme en apesanteur au-dessus d’un tapis de crotales. L’intérêt est constant. Des trouées d’espoir zèbrent parfois cette noirceur compacte et l’humanité qui sourd des vies lézardées est bouleversante. George Chesbro écrit sans fioriture, sait de quoi il parle et va à l’essentiel. Les milieux semblent être décrits de l’intérieur. Tout fait vrai, des réactions des laissés pour compte à la fréquentation des refuges où les sans-abri se retrouvent spoliés des maigres biens dont ils disposent encore. Les personnages sont étonnants et parfois attachants tels Anne, travailleuse sociale dévouée ou Zoulou, orateur des rues, flamboyant, qui invente ses histoires dans l’instant, captive les passants et ne garde aucune trace de ses récits éblouissants. Le véritable héro est pur et dur et le meurtrier, avec ses béances qui suppurent, possède une grandeur démoniaque qui peut fasciner selon l’éclat des facettes que jette le diamant noir de sa démence. Il y a une urgence à saisir ce que la vie offre de bon surtout quand la misère rampe et s’insinue partout. Un homme a vite fait de sombrer et dans le maelstrom de la solitude et de la décrépitude emmêlées, il semble presque toujours impossible de redresser la tête. Bone est un roman captivant à plus d’un titre.
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