[Le cycle de cyann. T. 4, Les couleurs de Marcade | François Bourgeon, Claude Lacroix]

En 1997 paraissait le tome 1 du cycle de Cyann chez Casterman. Lorsque l’éditeur fut racheté par Flammarion, les auteurs dénoncèrent leurs contrats. Un imbroglio juridique s’ensuivit et sept ans passèrent entre la parution du tome 2 chez Casterman en 1998 et celle du 3e tome chez Vents d’ouest en 2005. En 2007, Les couleurs de Marcade, 4e et avant-dernier tome, voit rapidement le jour, bénéficiant probablement du temps de latence né du blocage juridique. Les auteurs ne se sont certainement pas arrêtés de travailler durant les années précédentes.
Il est difficile d’émettre un jugement définitif sur une œuvre ambitieuse qui se joue du temps : le temps d’attente du lecteur, les portes spatio-temporelles de l’histoire, l’air du temps, l’histoire en cours…
Cyann aimerait bien rentrer chez elle, sur la planète Olh mais elle tombe d’Aldaal en Marcade c’est-à-dire de Charybde en Scylla. Le fil conducteur semble être la MCU (la Micomi compagnie urbique) qui exploite sans vergogne la planète Aldaal et siège sur la planète Marcade, mercantile à l’excès. Les portes spatio-temporelles constituent des accès privilégiés aux différents sites de la compagnie. Une mer de nuages dissimule les bas-fonds de Marcade. La ville est construite sur pilotis. Il n’est pas difficile d’imaginer la pollution, la crasse et la misère, les aberrations, les mutations et la violence dans les oubliettes de la cité ultra-libérale. Face à une société déshumanisée, Cyann prend de l’épaisseur, devient plus sensible aux autres. Elle compatit et souffre de l’indifférence généralisée. Malgré un univers richement coloré, les rapports humains frôlent le zéro absolu. La police omniprésente et la novlangue rappellent 1984 de George Orwell.
Marcade reste une planète de transit et l’histoire se lit sans ennui mais sans réel enthousiasme non plus. L’architecture de la cité, les couleurs, notamment celle de l’Eros center du cru, sont remarquables mais le dessin tout en rondeur des corps et des visages n’est pas toujours convaincant. L’apparition du « pitaine » dans les dernières planches de l’album, sorte de cuistot azimuté, ressemble à Jean-Pierre Coffe. Est-ce du lard ou du cochon ? Faut-il en rire ou s'en désoler ? Le 5e tome devrait donner les clés et permettre de refermer toutes les portes ouvertes qui ont été enfoncées.

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