Je reproduis ici une note que j'avais faite sur un autre site:
Voici un auteur dont on parle trop peu, alors que son œuvre, certes assez maigre en langue française, est pourtant monumentale dans ce qu'elle véhicule d'amour pour deux civilisations censées s'opposer.
Le livre des jours est l'autobiographie de Taha Hussein, cet Egyptien né en 1889 dans un village de Moyenne Egypte, au sein d'une famille de treize enfants. Rien d'exceptionnel jusque là. Mais dès l'âge de 3 ans, il devient aveugle, faute à une ophtalmie mal soignée. Et c'est la vie du petit garçon infirme qu'il était que Taha Hussein nous raconte.
La vie d'un enfant comme les autres, qui, dans l'école coranique du village, apprend le Coran mais parvient à ruser avec son maître et à échapper aux séances de récitation ennuyeuses, ce qui va l'obliger à le réapprendre plusieurs fois avant de devenir un "Hafiz" (celui qui connaît par coeur le Coran). Un enfant qui souffre aussi de son infirmité, qui a du mal à trouver sa place dans cette vaste famille, et qui souffre d'être aimé comme un infirme, non comme un enfant. Un enfant qui rêve beaucoup, qui veut être comme son frère, qui est respecté dans le village. Très tôt, on sent poindre la vivacité intellectuelle de Taha Hussein, qui veut apprendre tout tout de suite. Il apprend par cœur la grammaire arabe, ô combien rigoureuse, bien plus que la grammaire latine, et dont on apprend les règles avec un manuel en vers afin de mieux se souvenir des règles pointues de cette langue poétique.
Mais un esprit de son ampleur ne pouvait se contenter de rester dans un petit village de la campagne égyptienne. Il lui fallait plus, il lui fallait se rendre là où son propre frère, celui qu'il admirait tant, étudiait. A al-Azhar, la plus vieille université du monde, aussi appellée
Bayt al-Hikma (maison de la sagesse). Seulement al-Azhar, c'est aussi le Caire, une ville gigantesque pour un petit non-voyant, qui doit quitter père et mère et se retrouver dépendant d'un frère plus ou moins compréhensif. Et c'est vraiment au sein de son activité intellectuelle que Taha Hussein semble vraiment naître. Son acuité dans le domaine des idées va combler totalement la vacuité de son sens visuel.
Ce livre nous permet de découvrir en Taha Hussein un égyptien éclairé du XXe siècle, né en pleine Nahda (renaissance artistique arabe) et qu'on peut considérer comme un de ses acteurs. Touchant, par sa pudeur avec la distanciation qu'il opère en ne parlant qu'à la troisième personne, il nous émeut même plus que s'il avait écrit à la première.
Je ne sais plus quoi dire d'autre au sujet de ce livre, hormis une chose: LISEZ-LE!
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