Histoire sans héros contient de multiples zéros (éditions successives cumulées, personnages abjects) et quelques véritables héros, indépendamment du titre choisi par Jean Van Hamme. L’édition définitive paraît en 2008, au Lombard, dans la collection Signé, avec un ajout de 5 pages inédites. Elle regroupe
Histoire sans héros prépublié en 1977 dans le Journal Tintin et
Vingt ans après publié en album en 1997, soit exactement vingt ans après. Etonnant, non ! Le dessinateur Dany est sorti de la confidentialité à laquelle le cantonnait
Olivier Rameau grâce à ce one shot tiré avant l’heure. Il faut reconnaître qu’il ne s’agit pas d’un pétard mouillé. Le récit d’une catastrophe aérienne dans le Mato Grosso est mené tambour et cœur battants. Les rescapés doivent s’organiser et s’entendre pour survivre le temps que les secours arrivent mais rien ne vient. L’eau et les vivres s’épuisent. La tension monte. La vérité de chaque être se révèle face à l’imminence de la mort. La lâcheté, l’héroïsme, l’égoïsme, la veulerie et leurs motivations souterraines, l’orgueil, l’amour, la culpabilité, s’emmêlent dans le huis clos de la jungle amazonienne. La mise en page cinématographique et le dessin dynamique créent un rythme rapide, presque haletant quand l’action s’emballe à l’exemple de l’attaque du puma. Question subsidiaire : le puma ou lion des montagnes hante-t-il les sombres forêts brésiliennes, à l’inverse du jaguar, où les proies au sol sont si rares ? Bien que le dessin soit daté et vieilli (les pantalons pattes d’éléphant par exemple), l’histoire pleine de trémolos (« J’ai 53 ans et je ne veux pas de la pitié réservée aux acteurs vieillissants… »), j’ai été à nouveau happé par le sacrifice de l’amour et de la vie d’un homme afin que les autres vivent. Il y a dans l’envol de la montgolfière à travers la canopée, guidé par James Gray littéralement cloué au sol, comme une assomption que les larmes de Maria lestent.
Publier une suite était osé. Le pari relevé (à l’aïe et aux gnons) par Van Hamme et mâtiné par le scepticisme de Dany, du moins au départ de l’entreprise (après, il est content de lui) donne, après ingestion, un résultat mi-figue, mi-raisin. On s'intéresse aux rescapés et à leurs retrouvailles deux décennies plus tard. En revanche, l’histoire d’espionnage, cautionnée par Largo Winch en personne, est remplie d’invraisemblances et de stéréotypes. Franchement, l’apparition du pianiste de renommée mondiale Rafalowski, bouche en biais, gouape à face molle, traître de sévices, est à se tordre de rire. Dany a bâclé le travail. Les visages sont souvent mal dessinés. Il excelle à rendre la chute de rein de Maria au pied des cataractes. Peut-être s’agit-il d’un clin d’œil à destination de ses albums pour gros coquins ? D’ailleurs, les auteurs ne font que se congratuler au fil des ajouts. L’ensemble se lit toutefois plutôt agréablement mais c’est bien la densité de la première histoire qui donne corps au tout.
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