[ Le petit prince cannibale | Françoise Lefèvre]

Un livre raconte une histoire. Mais aussi l'histoire de comment on est parvenu à raconter cette histoire.
C’est comme un encastrement de boîtes chinoises qui laisse au lecteur la liberté de s'inventer une manière d’adhérer aux pages et de suivre des explorations pour le moins inhabituelles.

De même que ce livre raconte une histoire : une mère et un enfant, un petit prince cannibale, et les mystères de la proximité quotidienne. En filigrane, et souvent emmêlé comme des écheveaux de laine, se poursuit une autre histoire : celle d'une femme, écrivain, qui ne veut pas abandonner ses projets mais qui éprouve de la peur pour ce qu’elle ressent.

Peut-être parce que si une femme veut écrire, il faut qu'elle ait « une pièce toute pour elle " et aussi un fort sentiment de sa propre personne.

Et voilà que la femme-mère-écrivain entame son récit.
Elle raconte la recherche des mots avec lesquels elle peut exprimer ce qu’elle vit comme mère d'un enfant presque inaccessible, éloigné de la réalité et de ses langages usuels.
Elle raconte la découverte de son moi profond et de l'autre, la reconstitution d'un couple mère-enfant qui se dresse solitaire face aux jugements, sans compréhension, que les autres lancent par le regard et les attitudes.

L'histoire devient alors et surtout une recherche de sens pour la souffrance éprouvée, une recherche qui a besoin d'une langue pour s’exprimer, pour s'affirmer en toute compréhension.

Francoise a besoin de trouver les mots. Et elle les cherche dans la tête et dans le cœur, dans l’esprit et dans le corps.
Le mot qui est sens et signe, qui est action et réflexion.
Le mot qui a un poids et une valeur s'il est capable de mettre des racines dans le silence, d'avoir des limites. S'il accepte de ne pas représenter l'universalité des choses mais la partialité des points de vue et l'adhésion aux expériences vécues.
Le mot fragmenté, loin des discours et près de la vie.

Ne vous l’ai-je pas encore dit, ce petit livre de quelque 153 pages m’a profondément ému.

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