Le confortable désespoir des femmes
traduit du portugais par Françoise Debecker-Bardin
Editions Métailié
C'est le titre qui m'a attirée, je l'ai trouvé plein d'humour. Mais le regard sans indulgence que l'auteur jette sur ses personnages ne s'arrête pas à la gent féminine, loin de là.
Belchior Texeira, le héros paradoxal du roman, se définit surtout par sa révolte contre une famille à laquelle il ressemble pourtant, c'est classique.
Ce Belchior est lancé dans la reconstitution de la vie du roi Sébastien (1554-1578).Une façon de lutter contre l'effacement, car ce pauvre Belchior vit dans un univers de femmes, "englué dans la morne dignité de matrones sceptiques et mélancoliques"...
Les hommes de la famille _ et peut-être les hommes en général _ sont sans cesse menacés d'être réduits à la caricature d'un rôle prédéterminé ou à pas de rôle du tout. Et comme Dom Sébastien, "disparu" lors de la bataille de Ksar El-Kébir et "désiré" depuis, ils sont, dirait-on, en attente de quelque chose, en proie à une "neurasthénie presque langoureuse", à une passion presque obscène pour la ruine, la désolation, le désordre et le laisser-aller.
Cet antagonisme familial entre les sexes , et l'ambiance familiale qu'il crée font que les pensionnaires de l'asile d'aliénés installé en face de leur demeure ne leur semblent pas si bizarres que cela, je retranscris quelques lignes :
"Leurs préoccupations tournaient autour d'un cercle de plus en plus étroit, comme c'était le cas de Matilde, avec ses consultations d'avocats, ou d'Assunçao, insomniaque à cause de ses broderies, ou encore d'Aurora, obsédée par le ménage, qui avait en permanence un chiffon dans la poche et soufflait pour les faire briller sur les sucriers en argent. Cet appauvrissement des facultés en général et du stock verbal en particulier, de pair avec une certaine euphorie du souvenir, frappait toute la famille et même, pour être précis, tous les habitants du vallon de Sao Salvador. C'est pourquoi les légères perturbations de leur humeur, leurs désordres émotionnels et une certaine dégradation chez eux du sentiment du réel aplanissaient les difficultés de relationavec les fous du monastère; au fond, tout bien pesé, ces derniers disposaient d'un diagnostic, alors que les autres ne pouvaient prétendre qu'à un pronostic, ou même à rien du tout."
Agustina Bessa Luis a l'art du portrait, ai-je trouvé, on se sent dans ce roman aussi enfermé que ses personnages. C'est étouffant, pesant, et on plaint ce pauvre Belchior qui se bat pour exister!
Ceci dit, quelques moments obscurs, cette sensation d'enfermement, et la longueur de cette histoire font que même contente d'avoir découvert cet écrivain, je vais attendre un peu avant de me plonger dans Le principe d'incertitude depuis longtemps dans mon AAL...( AAL: armoires remplies de livre à lire :))
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