Voilà qui change des thématiques habituelles de la littérature indienne (les propriétaires terriens, le mariage des enfants, le système de la dot, les castes, villes et campagnes, disparités sociales, la misère, les conflits intercommunautaires, la partition, et tous les autres problèmes auxquels la société était confrontée.
Ce roman là, c’est vraiment autre chose.
Il impose d’emblée un ton nouveau dans la fiction indienne. Dégagé des pesanteurs culturelles et sociales de son pays, Hazra nous offre ici un petit bijou d’humour noir.

Max, perdu dans le labyrinthe de béton d’une ville fantasmatique, espace onirique où errent des ombres inquiétantes, recherche Sarai désespérément…
Mais qui est Sarai ? Qu’est elle pour Max ? pourquoi croit il que son père lui a demandé d’aller signaler au commissariat qu’elle n’était pas rentrée à la maison depuis deux jours, pourquoi a- t- il ressenti un tel sentiment de nécessité et d’urgence de partir à sa recherche ? Et pourquoi enfin, est il confronté à chaque coin de rue à d’étranges rencontres qui lui font abandonner sa quête pour se lancer dans des aventures aussi rocambolesques que surréalistes ? Il va en l’espace de quelques heures - ou jours, le temps a-t il de l’importance dans un rêve ? - retrouver de vagues connaissances qui lui proposent beaucoup d’argent pour des services non spécifiés, se retrouver complice de vol de livres dans une librairie, faire évader un presque inconnu d’un commissariat, dans un piano à queue, être abordé par un prophète aux propos sibyllins qui l’exhorte à « brûler du pneu », avoir le coup de foudre pour un chien errant, être pris dans une manifestation anarchiste et embarqué dans un fourgon cellulaire et même commettre un meurtre.
Les errances de Max dans un univers Kafkaien ne lui feront pas retrouver Sarai. Peut être - mais peut on avoir des certitudes ?- trouvera-t-il en regardant la photo de son père mort il y a longtemps, et auprès de sa femme Urmi , la confiance en lui même « que l’on acquiert quand on ne croit plus à rien et qu’on peut dire sans flancher : « je ne me laisserai plus embrouiller »
Les contours mouvants entre réalité et rêve s’estompent. On entre « dans un territoire ou la logique de la cause et de l’effet est suspendue » . Mais peu importe, il suffit de laisser Indrajit Hazra, maître de l’illusion, magicien à l’humour subversif et l’imagination débridée, nous entraîner dans un street-movie métaphysique au rythme haletant et de saluer comme il se doit le premier roman de ce jeune auteur Indien au talent si prometteur et à la voix si originale.

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]