[Harry Potter. T. 7, Harry Potter et les reliques de la mort | J-K Rowling]
Waoh ! (interjection favorite et récurrente de Neo [anagramme de « The One », « l’Elu » en français ou encore de « Noé »], sobrement étonné dans le film Matrix [La Matrice] quand une action décoiffe particulièrement). J’en ai le « poufsouffle » coupé. A l’exemple de Neo se battant pour soustraire l’humanité des machines, Harry Potter doit libérer les hommes du joug de la machine… à tuer, Voldemort. Si Crokdur, le chien du géant Hagrid savait parler le siamois (traduit en français), il me dirait certainement : « Tu es moldu jusqu’à l’os ! » (Après 10 années [1997-2007] et 4391 pages), voici donc le grand œuvre de Joanne Kathleen Rowling enfin clos d’une pierre angulaire avec le 7e et dernier volume de la Geste Harry Potter qui fera date en littérature jeunesse et dans l’histoire de l’édition mondiale. Les Reliques de la mort donne, par son titre même, la tonalité sombre du roman. Le lecteur entre dès les premières pages dans le « vif » du sujet. Les plaies, les bosses, le sang dans la bouche sous les coups sont de toutes les parties : les personnages trinquent jusqu’à la lie. Dès le premier chapitre, Voldemort va tuer avec mépris un professeur de Poudlard supplicié, suspendue la tête en bas. « Des larmes ruisselaient… et coulaient dans ses cheveux. » Son crime aux yeux du cynique Voldemort et de ses affidés aura été de publier dans La Gazette du sorcier « une défense passionnée des Sang-de-Bourbe ». Plus loin dans le livre, on retrouve Ombrage Dolorès, sinistre inquisitrice, sous-secrétaire d’Etat au Ministère de la magie, directrice de la commission d’enregistrement des nés-Moldus [nés-non sorciers]. Elle prend grand plaisir en mettant à la question les sorciers sur leur généalogie afin de déterminer le statut du sang : « sang pur » ou « sang de bourbe ». Les sorciers dont les parents ne sont pas eux-mêmes des sorciers se retrouvent déchus de leurs droits, séquestrés, torturés, emprisonnés ou encore réduits à la mendicité. Dolorès aime la broderie mais méprise l’humanité. Autant dire qu’il y a de la matière, des références, des échos avec l’histoire et la littérature dans Harry Potter. On commence le livre et on le repose à la 809e page, fourbu mais rassasié. Le monde trépidant n’existe plus autour du lecteur. La plongée en apnée est totale. Il faut se raisonner, se limiter à 100 pages par jour mais les 37 chapitres, entre 10 et 30 pages chacun, se succèdent vite sans qu’on puisse réduire le train trépidant de la lecture. Les gloses n’ont pas fini de pleuvoir sur l’œuvre de J. K. Rowling. Les niveaux de lecture sont multiples et vertigineux (sociologique, psychanalytique, sémiologique, philosophique…). Nombreux sont les passages qui ont une résonance particulière. Ainsi, la mise en abyme, avec les contes de Beddle le barde, est fascinante car Harry Potter se trouve à la jointure de l’enfance et de l’âge adulte, dans la zone floue de l’adolescence ; il est alors en mesure de relier la légende à la vie, d’amener la chimère à l’existence, d’amplifier sa conscience du monde et de concevoir sa finitude. La mort est omniprésente avec les sadismes associés (l’horcruxe en est symptomatique), la souffrance, son corollaire, aussi. Heureusement, parfois, comme le chantonne Peeves : « …on peut rigoler » ainsi quand Luna Lovegood détourne l’attention en s’exprimant : « Oooh, regardez, un Enormus à Babille ! » Les noms des personnages sont étonnamment parlants. On se méfie de Rusard, le concierge de Poudlard mais on s’abandonne aux bons soins de l’infirmière Pomfresh. L’invention verbale est constante. Une des facettes du talent de J. K. Rowling tient à son art de la récupération, du recyclage. Elle fait du neuf avec de l’antique. Son œuvre dispose des qualités nécessaires pour perdurer. Enfin, la discussion entre Albus Dumbledore et Harry Potter permet à nouveau de s’approcher de Matrix : « Est-ce que tout cela est réel ? Où bien est-ce dans ma tête que ça se passe ? Dumbledore le regarda d’un air radieux… Bien sûr que ça se passe dans ta tête, Harry, mais pourquoi faudrait-il en conclure que ce n’est pas réel ? »
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