[Tramp. T. 8, La sale guerre | Jean-Charles Kraehn, Patrick Jusseaume]

La Sale guerre est le deuxième volume du troisième cycle de Tramp. Yann Calec est commandant du Thabor dans la "mar-mar" (marine marchande) et transporte du frêt militaire sur son cargo civil en Indochine dans les années cinquante. Cochinchine, Tonkin, bo-doï (soldat), niah-khoué (paysan), les personnages féminins de Hatu et Souên sont enclins à réveiller le passé et à transmettre au personnage récurrent de la série ainsi qu'au lecteur le "mal jaune" selon l'expression du journaliste Jean Lartéguy, se traduisant par l'attachement viscéral des hommes pour ces contrées du sud-ouest asiatique (Vietnam, Cambodge et Laos).
A la grande histoire déliquescente se mêle la petite histoire poisseuse. Le père de Yann, Pierre-Yves Calec est un caïd local qui mène sa guerre contre le viet-minh. Il finit assassiné. Yann enquête, interroge Lucien Bodard et recherche la belle Chinoise Hatu, la concubine de son père.
Le passé est joliment évoqué en nuances sépia. Le présent se déploie sous de belles couleurs aquarellées. Le découpage clair, le dessin lisible, la narration limpide garantissent une lecture aisée d'une histoire touffue et conventionnelle. Jean-Charles Kraehn est un scénariste classique, efficace. Patrick Jusseaume est un dessinateur plutôt séduisant même si son trait schématise de plus en plus les personnages et les décors d'année en année. Le premier cycle de Tramp est probablement le mieux réussi. L'aventure maritime débutait au port de Rouen en Seine-Inférieure. Ma ville natale est évidemment bardée de souvenirs : dans les années 70, premier emploi dans le "shipping" sur le port, premières photographies en noir et blanc avec appareil réflex des hangars, horloges, engins de levage portuaires. La lecture de Tramp réveillait mon passé, produisant des échos et des bouffées d'un monde arrêté. Mon avis est donc peu fiable, subjectif et partial. Et vogue le cargo !

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