Dans plusieurs ouvrages récents sur les nouvelles expérimentations médicales et psychiatriques des hallucinogènes, il est question des recherches pionnières fort prometteuses qui avaient été accomplies dans les décennies 1950-1970, avant la brutale pénalisation de ces drogues et prohibition de tout travail scientifique. Quel ne fut donc mon bonheur de trouver, sur l'étalage d'une brocante lors d'un voyage vacancier, cet ouvrage publié en 1972 mais datant de 1969, issu de l'expérimentation psychopharmacologique et clinique à l'université de Glasgow, promettant au dos de donner un large espace au LSD et à la chlorpromazine ! Eh bien ! après l'euphorie de la Préface, je me suis retrouvé sans doute dans le même état d'esprit d'un jeune étudiant en philosophie auquel on demande pour la première fois de se pencher sur les traités de la scolastique : le dépaysement d'un changement de paradigme total. Dépaysement donc non sur les drogues, naturellement, mais sur la méthode, et par conséquent sur ces objets que les chercheurs de l'époque tentaient de trouver, conscients de se heurter à un mur infranchissable, objets qui sont si éloignés de ce que l'on cherche aujourd'hui, de tout autre façon, une fois que ce mur a été contourné. Le mur, c'est le fonctionnement neuro-biologique du cerveau, la façon, c'est d'abord l'IRM-fonctionnel et toute une batterie d'études sur les lésions cérébrales. Aujourd'hui on sait assez exactement où et comment rechercher les effets de telle ou telle autre molécule sur les synapses. Or, quel était le paradigme précédent les neurosciences, dans lequel l'on ne regardait pas le cerveau ? C'était le « comportement » ! Le fameux behaviourisme si vilipendé et ridiculisé par la psychanalyse continentale. Le savoir sur les drogues, notamment les psychédéliques, se composait donc, me semble-t-il, d'une part des compte rendus « littéraires », « artistiques », presque « métaphysiques » (cf. Huxley) des expérimentateurs savants, et d'autre part, je découvre, celui des expériences tatillonnes des médecins et psychopharmacologues anglo-saxons qui inventaient des mesures sur les comportements, et s'efforçaient autant que possible de mesurer, d'inscrire sur des axes cartésiens, de contrôler les variables et les corrélations entre elles... mais en terminant leur marathon sur tout ce qu'il y a de moins quantitatif possible : « la personnalité », sa composante « héréditaire », les influences « sociales », la « névrosité »... et c. ! Comment gérer ce paradoxe méthodologique...
Tout ce travail et cette réflexion méticuleuse étaient-ils vains pour autant ? N'y a-t-il plus rien à en retirer ? Eh bien non, bien entendu ! Car, à l'instar de la philosophie scolastique, une très grande sophistication dans la méthode apporta quand même une masse d'informations dont certaines carrément contre-intuitives qui restent d'actualité, par ex. concernant l'impératif de tenir compte du psychisme individuel et des circonstances de la prise du produit pour en déterminer les effets et la tolérance. On peut bien ricaner (et l'auteur le fait implicitement dans une phrase) en pensant à l'énervement que devait ressentir un « sujet » en séance d'expérimentation du LSD lorsqu'on lui demande de compter des flashs de lumière pour mesurer son taux de vigilance, alors qu'il a sans doute tellement mieux à faire de son trip, tant de magnifiques visions psychédéliques multicolores sur lesquelles concentrer son attention...
Mais que peut-on mesurer du « comportement » de la personne, conçu comme porte d'entrée unique vers les « effets des drogues » ? D'abord le « non-effet » du produit. Après un chapitre initial, méthodologique (comme par hasard !) sur la « Définition de la psychopharmacologie », le vif de l'argumentation se penche sur l'effet placebo, sous le titre hardi : « Les drogues imaginaires ». Ce chap. aujourd'hui apparemment désuet, anachronique – comportant une réalité connue dont on penserait ne plus avoir rien à dire – force pourtant l'admiration par la complexité des expériences qui tendent à explorer toute la casuistique des occurrences du placebo. Placebo avec différentes substances, naturellement, avec différentes « personnalités », en « individuel » ou « en groupe », avec différents cadres d'administration du produit (y compris les indications mensongères des expérimentateurs)... une vraie classification du possible « non-effet ».
Ensuite quel va être le premier effet comportemental évident et mesurable de la prise d'un psychotrope ? La vigilance et l'assoupissement-sommeil-rêve (Chap. III). Vous mesurez quoi ? L'activité des glandes sudoripares, le pouls, la fréquences cardiaque, la tension artérielle, le mouvement des pupilles dans le sommeil... Et là encore : que de surprises par rapport à l'ancienne classification entre sédatifs et stimulants ! Un univers de découvertes sur le sommeil paradoxal sous amphétamines, tranquillisants, antidépresseurs, anxiolytiques... et LSD. Qui dit vigilance s'intéresse à l'attention, donc à l'apprentissage et à la mémoire (Chap. IV). Aujourd'hui, ce serait plutôt un sujet de préoccupation concernant des effets secondaires indésirables. Mais à l'époque, l'on réalise une série de tests extrêmement sophistiqués, y compris avec du protoxyde d'azote (« gaz hilarant ») pour explorer si on apprend « mieux », et on retient « davantage », avec ou sans, et dans toutes les conditions imaginables... (ça donnera des idées aux élèves en période de révisions!). Le Chap. V, comme promis, est consacré presque entièrement aux expériences, à peine moins quantitatives (cf. cit. 5, 6), sur le LSD.
Revenons au cœur du paradigme comportementaliste. Il me semble évident que si l'on se concentre sur les comportements, on va forcément constater d'abord et surtout de la variabilité, alors que si on observe la neuro-chimie cérébrale, on va forcément plutôt constater des invariants. Le constat de la variabilité appelle une tentative de théorisation, qui va s'orienter sous le titre : « Explication de la variabilité des effets de la drogue » (Chap. VI). Bien sûr, on peut constater que cette théorisation possède encore une certaine actualité, par rapport à la question de l'addiction, il faut cependant transposer l'objet ; aujourd'hui on se demandera : Qu'est-ce qui provoque que certains consommateurs deviennent addicts et d'autres non ? Qui « s'en sort » suite à une désintoxication et qui « rechute » ? Dans ces conditions, on réintègre à juste titre la variabilité sous forme de personnalité, d'influences sociales et environnementales, de conditions de vie, de rencontre avec le produit.
Ensuite, l'exposé se penche sur les maladies mentales, qui cependant sont très différemment définies, identifiées et surtout conceptualisées par rapport à aujourd'hui. Mais à l'époque, l'idée n'est pas d'essayer d'envisager des thérapies, mais seulement la « Mesure de la maladie mentale par des drogues » (chap. VII) : mesurer, encore mesurer, toujours mesurer... La mesure se fait par le seuil de sédation. La drogue ne sert qu'à la sédation des symptômes psychotiques, la thérapie privilégiée étant encore l'électrochoc (horreur!) donc la question qui se pose est de savoir quelle drogue sera efficace pour la sédation à la moindre dose et le moins longtemps possible. Le Chap. VIII, pour la première fois, se pose la question des mécanismes cérébraux impliqués dans l'administration des drogues. Ne disposant que de l'analyse de l'électro-encéphalogramme (EEG) on se doute que ce chap. révèle toutes les limites des connaissances de l'époque et quelques frustrations bien exprimées. C'est également le cas du dernier Chap. IX qui, sous le titre : « Les drogues dans la vie quotidienne », s'intéresse quasi exclusivement à l'alcool, à son acceptation sociale en dépit des méfaits sanitaires et des accidents routiers dont il est responsable, et commence à poser, de façon embryonnaire mais absolument prémonitoire, la question de la demande collective de psychotropes contre les angoisses sociales, pour des raisons de « confort » dirait-on aujourd'hui, et celle de la manière dont les professionnels de la santé peuvent y répondre. Là aussi, toutefois, on ne peut qu'être stupéfait devant la préconisation d'adopter des « thérapies d'aversion » « pour tenter d'éliminer des patterns de comportement qui sont socialement indésirables ou pénibles pour l'entourage du patient – quoique pas nécessairement pour le patient lui-même. De tels désordres comprennent l'alcoolisme, la compulsion au jeu et diverses pulsions sexuelles, telles que le fétichisme et le transvestisme. » (p. 237) Sic !
Décidément, beaucoup d'eau a coulé sous les ponts...
Cit. :
1. « Celui qui réagit aux placebos n'est, dans l'ensemble, ni introverti ni extraverti, bien qu'il présente plus typiquement des signes d'anxiété et, d'une façon plus générale, de névrose.
Après avoir dit cela quant à l'influence de la personnalité sur la réponse placebo, il est important de se souvenir […] qu'aucun type de personnalité ne peut être considéré comme étant caractéristique des personnes qui réagissent aux placebos. D'autres facteurs entrant en jeu dans la situation de drogue peuvent être tout aussi importants, si ce n'est plus, pour pouvoir dire si tel individu présente ou non une réponse placebo. […]
[Knowles et Lucas] réalisèrent une série d'expériences dans deux conditions : 'individuelle' et 'de groupe'. On demandait à tous les sujets de signaler les effets secondaires d'une nouvelle drogue psychotrope, qui n'était, en fait, qu'un petit comprimé blanc de lactose. […] Tous les sujets devaient répondre à l'Inventaire de Personnalité de Maudsley, qui est une échelle permettant de mesurer deux dimensions de la personnalité, d'une part l'extraversion, et de l'autre l'instabilité émotionnelle ou névrosisme. Dans deux expériences réalisées en condition 'de groupe', on observait une relation positive significative entre le degré de névrose et le nombre d'effets signalés. […] Lorsqu'on fit la même comparaison dans deux expériences réalisées dans des conditions 'individuelles', […] la corrélation entre le degré de névrosisme et la fréquence des effets secondaires était presque nulle. Le névrosisme était donc un déterminant de l'effet placebo qui n'avait de l'importance que lorsque d'autres influences, sociales, étaient également présentes. » (pp. 42-43)
2. « Nous avons pensé que si nous comparions les effets de la dexamphétamine et du LSD en nous basant sur quelques mesures simples de caractéristiques physiologiques et du comportement, nous pourrions obtenir alors quelques indications sur le mode d'action du LSD et, en même temps, apprendre quelque chose de plus sur les mécanismes qui le font agir. À la base, nous voulions savoir pourquoi la dexamphétamine n'a qu'une action stimulante alors que le LSD est stimulant et disruptif.
Nous avions soigneusement choisi les mesures qu'il fallait prendre pour pouvoir saisir les fonctions physiologiques et psychologiques importantes qui, selon nous, étaient affectées par les deux drogues. L'une d'elles consistait à mesurer un temps de réaction simple : le sujet devait répondre aussi vite que possible à une lumière qui s'allumait. Il y avait aussi une autre mesure, appelée test du seuil de discrimination de deux flashes. Cela consiste à montrer au sujet deux brefs flashes lumineux, séparés par un très court intervalle de temps, mesuré en millièmes de seconde. On réduit cet intervalle jusqu'à ce que les deux flashes lumineux fusionnent et, ainsi, apparaissent subjectivement comme étant une seule lumière. […] Normalement, à mesure que le niveau de vigilance s'élève, la discrimination dans ce test s'améliore, c'est-à-dire que l'intervalle durant lequel le sujet peut encore voir deux flashes se rétrécit. » (pp. 78-79)
3. « Que peut-on dire des autres drogues, comme les tranquillisants ? Ceux-ci ont des effets un peu plus incertains, mais dans une étude récente, l'on a comparé plusieurs drogues, y compris deux tranquillisants mineurs, le diazépam et le phenprobamate, et aussi la réserpine, qui était une drogue utilisée autrefois dans le traitement des psychoses. On a constaté que, par rapport à une série de nuits de contrôle, ces drogues augmentaient en fait toutes les trois la proportion de temps de sommeil passé à rêver. Les tranquillisants ont pour autre effet de pouvoir modifier le 'genre' de rêves que les gens font. Les patients ayant pris ces drogues signalent parfois que leurs rêves sont plus vivants et bizarres.
[…]
L'imipramine, par exemple, qui est un antidépresseur, augmentait significativement le nombre de rêves ayant un thème hostile ou anxieux. La prochlorpérazine, qui est un tranquillisant, produisait un effet semblable et augmentait aussi la fréquence avec laquelle les gens faisaient des rêves à contenu sexuel. Ainsi, certaines drogues récentes peuvent avoir deux effets : ou elles allongent la phase de sommeil passée à rêver, ou elles rendent les rêves qui se produisent alors plus vivants (et au dire de tout le monde, plus intéressants!). Pour le moment, nous ne pouvons que deviner la raison de l'apparition de ces effets. Ce qui l'explique peut-être, c'est que, pendant la journée, les tranquillisants amènent les gens à moins se préoccuper de leurs soucis et de leurs fantasmes, et ceux-ci trouvent alors à s'exprimer une fois la nuit venue. » (pp. 84-85)
4. « Même si une drogue exerce sur l'apprentissage l'effet qu'elle produit plus habituellement, l'importance du changement observé dépendra d'un certain nombre de facteurs dont l'action peut faire diminuer ou amplifier l'effet chimique normal de cette drogue. Ces facteurs comprennent la nature de la tâche d'apprentissage, les conditions d'apprentissage, et l'effort conscient fait par le sujet pour faciliter ou surmonter l'effet de la drogue. Par exemple, une étude américaine très récente a montré que le degré auquel une dose donnée de drogue affecte l'apprentissage dépend beacoup de ce que l'on appelait le "poids de la demande" concernant l'apprentissage de la tâche. Dans l'expérience, il s'agissait de donner une dose de plus en plus forte d'un sédatif, le sécobarbital, à des sujets que l'on testait dans un grand nombre de tâches d'apprentissage présentant des degrés de difficulté très variés. On constata que, dans des tâches exigeant un grand effort de la part du sujet, même des doses extrêmement fortes de sécobarbital n'avaient aucun effet, alors que des formes plus simples d'apprentissage étaient peu à peu perturbées lorsqu'on augmentait la dose de la drogue. Les résultats de cette étude illustrent en fait un principe très général en psychopharmacologie, à savoir que l'état psychologique d'un individu, et en particulier sa motivation, peut être tout aussi important, si ce n'est plus, que l'action chimique d'une drogue pour déterminer son comportement. » (p. 100)
5. « En se basant sur son analyse de l'état induit par le LSD, [l'architecte canadien Kiyoshi] Izumi développa de nouvelles conceptions et de nouveaux plans pour la construction d'hôpitaux psychiatriques et ces plans ont, depuis, été mis en pratique dans diverses parties du Canada et des États-Unis. Jackson House décrit de la façon suivante un nouvel hôpital, terminé en 1963 à Yorkton, en Saskatchewan, et pour lequel on avait adopté bon nombre des idées révolutionnaires d'Izumi.
"On n'entend guère un son à mesure que le pensionnaire poursuit sa marche de maison en maison... On a éliminé les sons cachés […] comme les ventilateurs, les chaudières, les surfaces qui font écho et les commutateurs. Le patient peut entrer dans la salle de séjour discrètement, par le côté, et il peut, s'il le désire, se joindre à un groupe sans sentir tous les yeux fixés sur lui. Tout l'hôpital est décoré dans des couleurs sourdes... ce qui contribue à l'impression générale de tranquillité. Il n'y a pas de motifs dessinés sur les tentures, les murs, les tapisseries – des motifs qui pourraient se transformer en images hostiles. Les fenêtres font saillie vers l'extérieur pour lui permettre une 'évasion visuelle' hors de la maison, sans que d'autres murs ou bâtiments ne viennent s'interposer. Les planchers sont uniment carrelés – il n'y a pas entre les planches de fissures qui pourraient se transformer en 'cañons, très profonds et caverneux', comme les voyait Izumi. Il n'y a pas de carreaux polis, de miroirs multiples ou autres surfaces brillantes où un pensionnaire pourrait apercevoir sa propre image, effrayante, déformée."
Cet emploi inhabituel et humanitaire du LSD dans la création artistique offre un contraste marqué avec l'introspection quelque peu égocentrique qui semble motiver une grande partie de la recherche sur l'intuition créatrice au moyen des drogues hallucinogènes. Cela illustre aussi une des façons dont les hallucinogènes peuvent nous aider à comprendre certains problèmes auxquels se heurte le schizophrène [...] » (p. 124)
6. « Il y a quelques années, je me suis intéressé – ce qui faisait partie d'un projet de recherche sur la schizophrénie – à une illusion visuelle appelée l'effet de la spirale d'Archimède. On mesure cette illusion en demandant au sujet de garder les yeux fixés sur un disque en rotation qui consiste en une large spirale noire dessinée sur un fond blanc. Lorsque le disque tourne, la spirale semble normalement avoir un mouvement centrifuge, ce qui donne au disque une qualité légèrement tridimensionnelle. Une fois, je faisais passer ce test, comme à l'accoutumé, à un jeune patient schizophrène lorsque, tout d'un coup, il bondit de sa chaise et, l'air terrifié, il donna un coup dans l'appareil et le précipita au sol. Il expliqua par la suite qu'il avait eu peur que la spirale ne l'enveloppe au moment où elle surgissait du disque. J'eus alors une réaction de sympathie, mais sans comprendre vraiment ce que le patient m'avait dit. Plusieurs années après, alors que j'avais oublié ce patient depuis longtemps, je pris du LSD à l'occasion d'une recherche que je fis plus tard sur les drogues hallucinogènes. Au moment précis où je commençais à avoir les distorsions visuelles habituelles, un collègue me dit qu'il aimerait mesurer mon effet de spirale. Alors que je regardais fixement le disque, la spirale en rotation prit une apparence inquiétante presque menaçante, et cela s'accompagnait de sensations physiques désagréables, dues à la synesthésie […] Le souvenir de cette expérience me fit penser par la suite à mon patient qui avait essayé si vainement de m'expliquer son comportement. Ce ne fut qu'à ce moment-là que je compris réellement ce qu'il avait tenté de me dire. En vérité, cette journée passée sous l'influence du LSD me permit pour la première fois de voir un peu ce à quoi pouvait ressembler le monde, lorsqu'il est vu avec les yeux d'un schizophrène. » (pp. 134-135)
7. « Remarquant que l'un des sujets semblait très somnolent, il demanda par la suite, en passant, comment s'était déroulée l'expérience et quel sédatif ou tranquillisant avait été utilisé. On lui fit la réponse suivante : "Ce n'était pas un sédatif ; c'était de l'amphétamine."
[…] Parfois, [la réponse à une drogue] peut même être tout à fait opposée à celle qui avait été prédite, comme dans le cas du sujet que je viens de décrire. On peut facilement comprendre pourquoi cette variabilité existe si l'on pense qu'une drogue ressemble tout simplement à tout autre stimulus appliqué à l'organisme : son action purement pharmacologique entre en interaction avec les nombreuses autres influences qui affectent en même temps le comportement. Nous avons déjà vu combien ces influences non-pharmacologiques peuvent être puissantes dans le cas de la réponse placebo. […] Bien que nous nous intéressions ici surtout aux facteurs non-pharmacologiques, il ne faudrait pas oublier que la drogue elle-même peut aussi entraîner une bonne part de variabilité.
[…]
La force qu'exercent les influences psychologiques sur la réponse à la drogue a été mise en évidence dans un certain nombre d'expériences conçues de telle sorte que l'effet normal de la drogue était délibérément faussé du fait que l'on donnait des informations fallacieuses aux sujets de l'expérience. Ainsi, on peut donner à un groupe de sujets un stimulant, de l'amphétamine par exemple, et, par des paroles suffisamment persuasives, les préparer à s'attendre éprouver les effets normalement produits par des sédatifs. Les changements physiologiques objectifs et subjectifs qui se produisent iront dans le sens 'sédatif', et les sujets signaleront des sensations de fatigue et de lenteur plus souvent que les sujets à qui l'on dit la vérité quant à la drogue qu'ils ont prise. » (pp. 137-139)
8. « Les termes "dysthymie", "hystérie" et "obsessionnalité" se réfèrent largement aux types de symptômes que l'on rencontre dans les névroses, et une question se pose : c'est de savoir comment ces constatations faites sur des patients névrosés peuvent se rattacher à ce que l'on a trouvé concernant la tolérance à la drogue et la personnalité des gens normaux. Par exemple, dans quelle mesure le seuil de sédation mesure-t-il des traits de personnalité fondamentaux, et dans quelle mesure reflète-t-il une caractéristique temporaire d'une maladie névrotique ? On peut répondre qu'il fait probablement les deux. En ce qui concerne les caractéristiques fondamentales de la personnalité, il est évident que ce continuum dysthymique-hystérique que l'on vient de décrire est composite et qu'il est constitué par deux dimensions de la personnalité : celles de l'introversion et du névrosisme. […] ces deux dimensions entrent en interaction d'une manière complexe pour déterminer la tolérance à la drogue des individus normaux. » (p. 173)
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