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[Petit éloge du transat | Vanessa Postec]
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Posté: Mar 18 Mar 2025 18:20
MessageSujet du message: [Petit éloge du transat | Vanessa Postec]
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Ce petit essai facétieux, s'inscrivant dans une collection comportant des « petits éloges » d'objets aussi divers que la gentillesse, les gares, Tintin, les anti-héroïnes de séries et la médiocrité (beaucoup de sujets passionnants, donc), est articulé de manière assez classique entre une partie sémantique-historique, une partie regroupant les références et les connotations philosophiques, littéraires, artistiques, et une partie plus proprement critique, notamment politique ; cette dernière ne se prive pas d'évoquer des bizarreries ayant trait même à la pédagogie, à la sexualité et à la religion... Volontairement, le ton enlevé de l'ouvrage est considéré comme incompatible avec une hypertrophie de cette partie critique, qui pourtant était ce que je recherchais principalement dans cette lecture, que je souhaitais insérer dans ma bibliographie sur la critique du travail et l'apologie de l'oisiveté. Non que le fond de cette pensée soit renié, occulté ou minoré, ni ses principales références ne sont omises : il y en a même une qui m'avait échappé jusque là, c'est _Aurore. Réflexions sur les préjugés moraux_ par Nietzsche (1881).
Le style ne fléchit à aucun moment, l'humour est efficace et les anecdotes mémorables. À la réflexion, le thème même de l'essai, par ce que la célébration de la pratique du transat comporte de « slow philosophie », serait contradictoire avec trop d'austérité, de militantisme indigné, de pédanterie sous forme d'académisme érudit. Par contre, l'intitulé des chap. et plus généralement la formulation de la table méritent d'être recopiés, d'autant plus pour leur qualité stylistique que pour indiquer les contenus ou la progression de la démonstration. Dans ce contexte, l'exclusion de la saison hivernale (dont je pourrais tout à fait imaginer la teneur) ne peut être interprétée autrement que comme une marque d'optimisme bienfaisant...



Table [avec appel des cit.]

Saison 1 – Le printemps, saison des amours et des présentations :

- Où l'on découvre que le transat n'est pas celui qu'il paraît être
- Au transat, (éco)citoyens ! [cit. 1]
- Où le transat se révèle un et multiple
- Où l'on apprend que le transat n'a pas attendu de naître pour exister
- Où l'on assiste, émus, à la naissance du transat
- Où l'on fait connaissance avec l'industrie du transat
- Où l'on mesure le coût de la slow philosophie
- Où l'on apprend à choisir son transat
- Où l'on découvre que le transat n'étant pas la chose du monde la mieux partagée, il fallut trouver des parades [cit. 2]
- Où l'on se familiarise avec le bon usage du transat avant l'arrivée de l'été
- Splendeur et déchéance (du transat)

Saison 2 – L'été, durant laquelle on apprivoise les bénéfiques influences du transat, et sa contribution à la vie de l'esprit, au monde de l'art, de la philosophie, des sciences et des idées :

- Où l'on débute l'été comme il se doit : avec ennui
- Où l'on constate qu'il y a plus de philosophie dans le transat que de transats chez les philosophes
- Où le transat et la littérature deviennent copains comme cochons
- Où l'on s'aperçoit que la philosophie du transat, tout comme l'assassinat, peut être considérée comme l'un des beaux-arts
- Où le transat devient source d'inspiration et se pare de jolies couleurs
- Où les rapports entre la science et le transat se font plus étroits
- Où le transat se fait panacée
- Grandeur et déchéance (du transat)

Saison 3 – L'automne, durant lequel il est temps de faire le point, le tri, des connaissances et de ses connaissances, de prendre parti et de se situer :

- Où l'on dénoue les liens tissés serrés entre transat, travail et paresse
- Où l'on pointe les manques de certain auteur à succès, à la philosophie pourtant respectable, en matière de transat
- Où l'on mêle joyeusement transat et sciences politiques [cit. 3, 4]
- Où le transat semble taillé sur mesure pour Sandrine Rousseau
- Où le transat devient le bras désarmé de la Justice [cit. 5]
- Où l'on appréhende la bizarrerie sous l'angle du transat
- Où les enfants et le transat entretiennent une relation complexe
- Où l'on regrette le peu d'appétence du transat pour la sexualité
- Où le transat et la religion connaissent des moments difficiles



Cit. :


1. « L'heure est au "quiet quitting", à la démission silencieuse, à la grève du zèle, à une révolution douce qui ne dit pas encore son nom. L'heure est grave : achetez-vous un transat. Fleuron de la contestation, de la rébellion, de l'insurrection, en un mot : de l'indignation, la chaise longue est une arme redoutable, au potentiel largement sous-estimé, subtile alliance d'une impressionnante force d'inertie et d'un irrésistible pouvoir d'attraction.
Achetez un transat, donc, et indignez-vous. Refusez ce que l'on vous impose, ignorez ce que l'on vous propose. Boudez, procrastinez, laissez-vous gagner par l'aboulie, vénérez la sainte flemme. Refusez de consommer, de participer, de polluer, de (con)courir. Éloignez-vous du bruit, de la foule, des cadences infernales, fermez les yeux. Les doigts de pied en éventail, dans le transat, la crise ne vous rattrapera pas. Fuyez les -ismes et ceux qui s'en réclament, les affolés de la pendule et du podomètre, les pointeuses, et jusqu'aux poinçonneuses, s'il s'en trouve encore ailleurs que dans la chanson.
Le transat possède cette vertu de vous rappeler non à l'ordre mais à l'essentiel, de permettre au plus distrait, à l'enfant hyperactif et au cadre surmené, d'entrevoir qu'il existe une vie après le mouvement, que penser n'est pas un gros mot et que philosopher en est même un très joli. » (pp. 21-22)

2. « C'est ainsi que, à l'aune de l'intérêt toujours plus grand porté au transat, l'on peut imaginer une nouvelle répartition de la population, induite par l'inversion des grands flux migratoires et d'un exode constant. Certes, cela ne résoudrait pas le choc des civilisations. Mais cela l'adoucirait certainement.
Objet de loisirs, qui offre surtout le loisir de s'en passer (des loisirs, c'est entendu), le transat est bien plus encore : le symbole d'une forme nouvelle d'émancipation, de résistance. Aux normes sociales, aux normes imposées, aux bienveillantes sollicitations, aux distractions forcées. Le transat est un instrument buissonnier. Un pousse-au-crime sans victime. Une meuble subversif, un frêle esquif en partance pour nulle part, quasi l'ennemi des congés payés lorsque son usage, enfin conforme aux aspirations de son occupant, se fait quotidien, sinon permanent. » (p. 63)

3. « Le transat, c'est un peu le Victor Hugo des prairies. Comme lui, comme le politicien-écrivain tout-en-un, et contrairement au plus grand nombre qui, en vieillissant, se garde bien de lever le cul de ses possessions, le transat se montra un rien conservateur, un poil monarchiste même, durant ses jeunes années passées sur le pont des bateaux de luxe, et puis vira sa cuti, s'éprit de république, de démocratie, s'intéressa au sort des plus défavorisés et partit s'installer au fond du camping. Devenu un vivant symbole de la décroissance – de quoi donc pourrait bien avoir besoin un amateur de transat, sinon d'un transat ? -, il est vu par certains comme le fer de lance de l'extrême gauche. On est portant en droit d'en douter : debout les damnés de la terre ! Debout ? Mais ça va pas, non ? Les plus raisonnables, quant à eux, regrettent une coupable négligence, qui fit passer une des plus belles utopies du siècle passé pour une vulgaire crise d'adolescence. "Sous les pavés, la plage, sur la plage, le transat." Un slogan inachevé, une chaise longue oubliée, un espoir mort-né. » (pp. 145-146)

4. « Certes, il se trouvera toujours des pisse-froid, des béotiens du transat, pour évoquer la force d'inertie du siesteur alangui, allant jusqu'à qualifier la chaise longue d'instrument contre-révolutionnaire. Mais ils s'égarent, ils se fourvoient, ils divaguent, oubliant que c'est justement en raison de son caractère indolent et passif que le transat est un formidable outil de contestation : gagné par son influence, son utilisateur peut alors résister à l'appât du gain, aux sirènes du grand capital, à la sonnerie de l'usine, aux promesses des fonds de pension, aux écrans plats à coins carrés, à l'appel de la pointeuse, au temps que l'on perd à vouloir le gagner, à la tentation des extrêmes comme de l'obscurantisme, et se tenir éloigné des idées perfides qui polluent l'air du temps. Pas de sang, pas de cris, pas de heurts : c'est à une révolution pacifique et silencieuse, celle, en premier lieu, de la réappropriation de son emploi du temps, une forme de protestation non violente et originale, une nouvelle façon, plus confortable, d'envisager les 'sit-in', qu'invite le transat.
Et peu importe si nous ne sommes, aux commencements de cette ère nouvelle, qu'une poignée à y croire. […] La philosophie du transat s'imposera d'elle-même, en douceur, quand le plus grand nombre aura vaincu, à l'usure (le pratiquant assidu ne manque ni de patience ni de temps), les derniers réfractaires. Mais comment ? Le plus simplement du monde. Par le désir mimétique que le transat et son occupant ne manqueront pas de susciter chez qui les observe avec suffisamment d'attention pour noter la sérénité sans artifices du second. » (pp. 147-149)

5. « Lao Tseu, sage parmi les sages, se faisait déjà l'écho, il y a fort longtemps et très très loin, de l'apport du transat au non-agir et à la non-violence, sa sœur puînée : "Si quelqu'un t'a offensé, ne cherche pas à te venger. Assieds-toi au bord de la rivière et regarde passer son cadavre." Le transat est donc un remède, une solution à la barbarie et à ses flambées soudaines, qui ne demande pour révéler son plein potentiel qu'à être posé dans un coin ombreux (ou au bord d'une rivière). Une thérapie simple et peu coûteuse à la canicule et à la suffocation des prisons, en somme, mais dédaignée de façon incompréhensible par les pouvoirs politiques et les autorités compétentes. » (pp. 156-157)

6. « L'usage du transat est éminemment solitaire. Pour des raisons pratiques, comme nous allons le voir, mais aussi pour des raisons philosophiques. Car son pratiquant, tout à ses réflexions, à ses rêveries, à ses projections, n'a que faire des sollicitations de la chair : mieux ou pis, c'est selon, il n'entend ni ne voit ses appels déchirants. Qu'on le regrette ou non, qu'on le taise ou qu'on le confesse, c'est ainsi : l'usager éclairé est devenu un pur esprit.
Il est pourtant de mon devoir de rappeler que, dans un moment d'égarement, le _Kamasutra_, cet incontournable des fins de soirées alcoolisées, à ranger entre l'énigme du colonel Moutarde, le pansement gastrique et le tube d'Aspro, propose à ses fidèles adeptes d'expérimenter – selon ses traductions et ses versions, plus ou moins fidèles à l'original – la position du transat ou celle de la chaise longue. Celle-ci, aussi farouchement décriée par les ostéopathes que vantée par les couples en mal de sensations, lassés de mimer l'épingle à linge, réclame un rien de technique et un peu de souplesse. Tout, en somme, à l'exception du meuble dont elle emprunte le nom. » (pp. 167-168)

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