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[Et j'ai cessé de t'appeler papa | Caroline Darian]
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apo



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Posté: Hier, à 10:29
MessageSujet du message: [Et j'ai cessé de t'appeler papa | Caroline Darian]
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Nous sommes actuellement encore en train de mesurer la portée historique du procès de Mazan, qui a duré quatre mois à partir du 2 septembre 2024 et s'est conclu avec la condamnation des quelques cinquante accusés de viols avec plusieurs circonstances aggravantes et autres crimes sexuels. La soumission chimique de la victime par son conjoint, durant plus de dix ans et comportant sans doute au moins une centaine d'épisodes documentés, sans éveiller le moindre soupçon ni chez elle-même ni auprès de son entourage proche, a été considérée avec stupéfaction, et parfois même avec une certaine incrédulité.
À l'issue de ce procès, il me semble que nous retiendrons au moins deux éléments de réflexion : une probable évolution de la jurisprudence qui tiendra davantage compte de la notion de consentement, bien qu'elle ne soit pas (encore) inscrite explicitement dans la définition juridique du crime de viol en France (contrairement à d'autres pays qui sont en train d'opérer une telle modification législative) ; et une nouvelle sensibilité vis-à-vis de la problématique de l'emprise chimique en vue d'abus sexuel, fléau méconnu tant dans son ampleur que dans sa caractérisation familiale, ou au moins concernant majoritairement les proches des victimes.
Ce témoignage livré par la fille de Gisèle Pélicot, cependant, a été rédigé avant le procès – avec une Préface ajoutée la veille de son ouverture – dans l'intervalle entre la communication de l'arrestation du père, Dominique Pélicot, suite à la saisie de fichiers pornographiques enregistrés sur son téléphone et son ordinateur à cause d'une plainte étrangère aux viols intra-familiaux, le 1er novembre 2020, et le 28 novembre 2021, après une seconde convocation de l'autrice par la juge d'instruction. Au cours de cette période, est relatée la prise de conscience traumatique de la réelle identité perverse de son père occultée avec soin, des atrocités commises sur la mère ainsi que le soupçon que des crimes analogues aient été perpétrés contre elle-même et ses belles-sœurs. L'autrice assiste aussi à la perpétuation de la manipulation exercée par son père qui parvient à diviser l'unité familiale afin d'essayer d'alléger les poursuites à son encontre. Enfin, le lecteur est convié à réfléchir à la fonction thérapeutique que revêt l'écriture de ce témoignage pour son autrice, ainsi qu'à la catharsis représentée par l'ébauche de son engagement associatif pour la cause de la lutte contre les abus sexuels sous emprise chimique, en militant pour une meilleure prise en charge des victimes et pour la formation des professionnels de santé.
Le récit sous forme diariste de sa prise de conscience, notamment par les péripéties de l'enquête, le quotidien de ses relations familiales avec son conjoint, son enfant, sa fratrie et sa mère, ne cache pas les moments les plus douloureux de sa propre décompensation avec prise en charge psychiatrique. Dans le corps de ce récit, distingués par l'usage des italiques, apparaissent des textes adressés idéalement à son père devenant un personnage plus haï à mesure qu'il est mieux cerné (cf. cit. 3). Les lettres que celui-ci parvient à exfiltrer de prison, à l'adresse d'amis proches et de membres de la famille, pour la poursuite de ses intérêts, sont également reportées avec la même typographie.
Il est probable que le récit de l'effondrement d'une image familiale, sinon idyllique, pour le moins banale, ainsi que la déflagration provoquée chez une « victime collatérale » par la barbarie de la répétition systématique, méthodique et soigneusement préméditée des crimes ait contribué à l'issue du procès et surtout à la prise de conscience sociétale d'une problématique dont les implications dépassent considérablement le fait divers.



Cit. :


1. « À ce moment précis, je demande au lieutenant si mon père a fait preuve de remords envers ma mère ou nous, ses propres enfants.
"Non. Votre père m'a simplement remercié de lui 'avoir enlevé un poids'." » (pp. 47-48)

2. « Si je récapitule, ma mère est au courant pour les photos de moi dénudée et elle n'a pas manifesté un immense soutien ; elle ne m'a pas accompagnée à l'hôpital psychiatrique et elle me cache maintenant l'existence de ce courrier. À croire qu'elle se range du côté de son débauché de mari. À cause de mon père, je suis en train de perdre ma mère.
Je suis hors de moi. Convaincue que mon père n'appelle pas à l'aide, mais qu'il tente de manipuler une fois de plus sa famille, comme il l'a finalement toujours fait. Il assure son emprise, même loin, même enfermé. Maman et Julien marchent, ils sont très affectés alors que Thomas et moi gardons la tête froide. » (p. 105)

3. « Hiver 1990, vacances de ski à Risoul, dans les Hautes Alpes. Tu me proposes ma première piste rouge. Tu m'accompagneras. Je ne suis pas encore très assurée sur des skis, et la montagne réserve parfois quelques surprises. Ce jour-là, il fait beau, mais très froid. En haut de la piste, tu pars devant, comme une flèche. Terrifiée, j'avance seule, je glisse mal, j'appréhende les bosses et les virages. Je mets presque deux heures pour arriver enfin, je finis en pleurs, je hurle quand je te vois. Tu dis seulement : "Tu vois, tu as fini par y arriver, je te l'avais dit." » (pp. 156-157)

4. « Je m'inquiète pour la santé mentale de ma mère. Elle ne semble pas se rendre compte du machiavélisme de mon père. Ni avoir conscience de tout ce qu'il lui a fait subir durant des années. Selon moi, ma mère vit une forme de déni, même si elle n'est plus en contact avec lui depuis un an. D'une certaine manière, elle a encore de l'estime pour lui et préfère garder intact le souvenir d'un homme aimant, avec une forme de morale. Elle ne parvient pas à accepter la réalité, à admettre que mon père l'a dangereusement et volontairement manipulée pour l'avilir. Car si elle reconnaissait la vraie nature de son mari, elle s'effondrerait sur-le-champ. Bien entendu, cela complique terriblement notre relation. Son chemin vers l'acceptation – puis la reconstruction – sera long et difficile. C'est très pénible pour moi de la savoir si éloignée de la réalité. » (pp. 179-180)

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