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[Comment je meurs | Peter Schjeldahl]
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Swann




Sexe: Sexe: Féminin
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Messages: 2643


Posté: Sam 09 Nov 2024 22:32
MessageSujet du message: [Comment je meurs | Peter Schjeldahl]
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Le lendemain du jour où Peter Schjeldahl, critique d'art autodidacte au New Yorker, apprit qu'un cancer lui laissait six mois à vivre, il prit la plume et se décida à rédiger une forme de chronique autobiographique, lui qui avait refusé de le faire, quelques années auparavant.

Quand Babelio m'a proposé de lire ce modeste volume chez Séguier (Prix Transfuge du meilleur livre d'art 2025 - sic), je ne m'attendais absolument pas à ce qu'il s'est révélé être, à cause d'un titre pour le moins doloriste.

Par un jeu d'associations libres, partant de la non-surprise de ce "cancer des poumons" (premiers mots du livre), je vais suivre l'auteur dans un mélange de récit, d'aphorismes, d'observations qui m'a plu au plus haut point et qui m'a immédiatement accrochée. Sans aucune pesanteur, avec l'élégance de la simplicité, Schjeldahl raconte des faits, des souvenirs, qui n'ont pas l'air toujours significatifs, et, en réalité, il utilise des polysémies qui lui évitent des effets de pathos, de la littérarité appuyée, des maniérismes qui, avec les incursions attendues vers la question de la mort et de notre condition humaine auraient été pesants. J'ai la petite fierté d'avoir compris cela sans lire la note très intéressante de Nicolas Chemla, son traducteur, qui nous explique la gageure paradoxale que fut de traduire une langue aussi simple mais aussi travaillée sans risquer de perdre cette simplicité en en explicitant les échos.

Ce jeu d'associations libres tourne parfois, passion pour l'art oblige, en des miscellanées bien agréables, puis des tranches de vie, vie amoureuse et sexuelle, la question qu'il fallait bien aborder de ses addictions, sans verser dans une battue de coulpe inutile. J'ai eu vraiment l'impression de suivre un états-unien disert, en veine de confidences, cultivé - quelle chance de me sortir de mes frilosités ! que je n'aurais pas cherché à connaître avant de lire cet Comment je meurs, tant nos mondes, nos arrière-plans culturels sont différents (le mot "contre-culture" n'éveille en moi que quelques noms et quatre clichés), mais que je suis vraiment contente d'avoir lu.

Citations :

* Comme l'a écrit Susan Sontag, lorsque vous êtes malade, on vous identifie à votre maladie. Ça me va. Je n'ai jamais pu tenir un "je" un tant soit peu solide ou pertinent sur plus d'un paragraphe. (Vous croyez réellement que les auteurs expriment un quelconque "moi véritable" ? Un tel moi n'existe pas.)

* Une nuit où j'étais, une fois encore, bien alcoolisé, une superbe artiste peintre m'a laissé me faire la main sur une toile qu'elle abandonnait. Je me suis efforcé de poursuivre un simple trait noir qu'elle avait commencé. Le contraste entre la pression maîtrisée de son coup de pinceau et mon espèce de coulis flaccide m'a choqué, physiquement. C'était comme serrer la main d'une personne de petite taille qui d'un seul coup t'envoie valser à travers la pièce.

* Emmenez donc la mort faire un tour dans votre tête, les amis. Soit vous serez ravis de l'avoir fait, soit, au moment de chavirer d'un coup, vous n'aurez pas perdu grand-chose.

* Voyez-vous, Brooke est une enfant d'alcooliques. Moi pas. J'ai grandi, et j'en suis devenu. Elle a grandi, et elle en a épousé un. Elle savait que j'étais bien en vrac, dans ma vie comme dans ma tête, mais pour elle, l'alcool, c'était normal - jusqu'à ce qu'elle prenne la vraie mesure du problème, et me foute à la porte. (Note à ceux qui connaissent des alcooliques : ne jamais, jamais, compatir. Si vous sentez que ça vous prend : fermez les yeux, bouchez-vous les oreilles, et fredonnez quelque chose.)

* La claque du féminisme n'est pas venue trop tôt pour les types comme moi, qui avions régné sans partage sur un bohème sixties qui exigeait des femmes qu'elles soient des compagnes idéales, aux petits soins pour leurs hommes qui avaient forcément tous les droits - puisqu'ils étaient tous des génies. Ces arrangements domestiques se sont effondrés comme des dominos au premier souffle de révolte féminine.

* J'en dirai autant du snobisme : il faut en passer par là, quand on manque d'assurance, jusqu'à ce qu'on se forge un goût personnel qui reconnaisse et reflète la richesse de notre propre expérience.

* On a vraiment des mémoires de merde. Même Proust avait une mémoire de merde (il n'y a pas de "petit pan de mur jaune" dans la
Vue de Delft de Vermeer). La mémoire nous ment. Ce n'est rien qu'un tas de fictions écornées, brouillées, pleines de taches et de traces de doigts, et constamment retouchées. Des histoires qui transforment nos vies en un tissu de mensonges - ou, OK, du calme : de conjectures.

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