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[La Débâcle | Émile Zola]
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Swann




Sexe: Sexe: Féminin
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Posté: Mer 24 Juil 2024 8:32
MessageSujet du message: [La Débâcle | Émile Zola]
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Je ne me suis pas tellement pressée pour lire ce tome qui relève à la fois de la vie militaire, encore inexplorée par Zola, et d'une guerre de 70 qui inspira si fructueusement Maupassant, alors que je lis les Rougon-Macquart depuis l'âge de 15 ans, si l'on y songe.

Mais la relecture des Contes de la bécasse de Maupassant a repiqué ma curiosité pour la fameuse guerre de 70, pas si fameuse que ça, en réalité. Je me suis demandé ce qu'était devenu Louis-Napoléon Bonaparte et il en est rapidement question dans ces pages. J'y retrouve d'ailleurs l'ambiance des Contes de la Bécasse. Outre que Zola et Maupassant sont contemporains, sont dans le même mouvement littéraire du Naturalisme et écrivent sur le même sujet, les descriptions des Prussiens sont identiques, leur animalisation est celle de cochons aux yeux bleus, pour des personnages qu'on finit par massacrer odieusement. On trouve un topos, présent aussi dans la peinture des scènes de guerre (par exemple "Guernica"), celle des chevaux mourant sauvagement, misérablement de cette folie humaine qu'est la guerre.

L'auteur nous montre l'aventure d'une troupe de soldats français envoyés vers le front. L'avancée vers le feu est interminable, certains soldats se montrent désinvoltes, indisciplinés, ils n'y croient pas tous vraiment et moi-même, j'avais l'impression absurde que Zola allait les promener de hameau en hameau meusiens, ardennais (il avait une carte sous les yeux) sans jamais déchaîner le feu... Mais quand ça démarre, quand ça continue, quand ça finit bien mal et quand on se promène dans les lieux du massacre et que les Prussiens sont maîtres des lieux... Zola n'oublie rien, aucune attitude, ni noble, ni vile, aucun malheur, aucune issue favorable, il visite les différentes classes sociales, se paie le luxe d'écrire des histoires dans l'histoire, met Napoléon III lui-même dans son roman.

Ainsi ce dix-neuvième tome répond-il au premier où nous assistions au coup d'État de Louis-Napoléon Bonaparte de la ville de Plassans, berceau des Rougon-Macquart. C'est Jean Macquart qui est le représentant de cette famille : il avait quitté sa femme dans La Terre, le tome le plus affreux, le plus vil, le plus désespérant, et retourne à l'armée. Il se lie d'une amitié vibrante avec Maurice Levasseur, si vibrante, au dévouement si exceptionnel que je me suis demandé s'ils n'étaient pas liés par plus que de l'amitié. Mais Zola ne va pas plus loin dans le lien ; si le baiser d'adieu qu'ils échangent, comparé à celui qu'on donne à une femme est aussi dépourvu de la même signification que le dit Zola. Beaucoup de personnages autour d'eux vivent leur déchirement, leur effroi, leur deuil et leur dénuement. Leur colère aussi. En effet, si Zola dépeint avec complaisance un Louis-Napoléon très scrupuleux et sensible aux souffrances de son peuple, il ne l'exonère pas non plus de ses responsabilités par la bouche de certains personnages.

Le roman, comme je le disais plus haut, complète les cours d'Histoire qui ressemblent bien souvent à des lignes discontinues à travers le parcours de Maurice, plus intellectuel et séduit par les idéologies, dans les suites traumatiques du combat. Je n'avais pas compris, à cause de l'étanchéité des chapitres de cours à quel point la présence des Prussiens et la tragédie des Communards s'étaient jouées simultanément. Zola montre les parisiens atteints d'une paranoïa patriotiques voyant des espions des Prussiens partout et usant de violence pour s'en défaire, le lien entre les votes des bourgeois provinciaux et celui des parisiens, un discours prônant la Commune et un scrutin qui amène la République de Thiers... Sur les tableaux du siège et de l'assaut, j'ai trouvé Zola plus naturel, on a moins l'impression qu'il suit des mémoires ou des comptes-rendus que pour la guerre dans les Ardennes.

Il veut parfois trop en dire, trop vite : j'ai ralenti pour bien entendre le propos car ce que les contemporains captèrent immédiatement, il m'a fallu parfois y réfléchir plus.

Ce tome suit L'Argent et montre sans doute l'effondrement de beaucoup de fortunes et de pouvoirs bâtis pendant ce Second Empire, mais on pense irrésistiblement à La Curée dans on voit dans La Débâcle tous les incendies incroyables touchant les lieux de pouvoir et les grandes maisons.


Citations :

* Mais, dans sa prostration, le blessé eut un réveil, une minute de lucidité.

— Non, je crois bien que je vais mourir.

Et il les regardait tous les trois, les yeux élargis, pleins de l’épouvante de la mort.

— Oh ! capitaine, qu’est-ce que vous dites là ? murmura Gilberte en s’efforçant de sourire, toute glacée. Vous serez debout dans un mois.

Il secouait la tête, il ne regardait plus qu’elle, avec un immense regret de la vie dans les yeux, une lâcheté de s’en aller ainsi, trop jeune, sans avoir épuisé la joie d’être.

— Je vais mourir, je vais mourir… Ah ! c’est affreux…

* Depuis des heures, je devais être là, la jambe droite écrasée sous mon vieux Zéphir, qui, lui, avait reçu une balle en plein poitrail… Je vous assure que ça n’avait rien de gai, cette position-là, des tas de camarades morts, et pas un chat de vivant, et l’idée que j’allais crever moi aussi, si personne ne venait me ramasser… Doucement, j’avais tâché de dégager ma hanche ; mais impossible, Zéphir pesait bien comme les cinq cent mille diables. Il était chaud encore. Je le caressais, je l’appelais, avec des mots gentils. Et c’est ça, voyez-vous, que jamais je n’oublierai : il a rouvert les yeux, il a fait un effort pour relever sa pauvre tête, qui traînait par terre, à côté de la mienne. Alors, nous avons causé : « Mon pauvre vieux, que je lui ai dit, ce n’est pas pour te le reprocher, mais tu veux donc me voir claquer avec toi, que tu me tiens si fort ? » Naturellement, il n’a pas répondu oui. Ça n’empêche que j’ai lu dans son regard trouble la grosse peine qu’il avait de me quitter. Et je ne sais pas comment ça s’est fait, s’il l’a voulu ou si ça n’a été qu’une convulsion, mais il a eu une brusque secousse qui l’a jeté de côté. J’ai pu me mettre debout, ah ! dans un sacré état, la jambe lourde comme du plomb… N’importe, j’ai pris la tête de Zéphir entre mes bras, en continuant à lui dire des choses, tout ce qui me venait du cœur, que c’était un bon cheval, que je l’aimais bien, que je me souviendrais toujours de lui. Il m’écoutait, il paraissait si content ! Puis, il a eu encore une secousse, et il est mort, avec ses grands yeux vides, qui ne m’avaient pas quitté… Tout de même, c’est drôle, et l’on ne me croira pas : la vérité pure est pourtant qu’il avait dans les yeux de grosses larmes…
Mais ce désir
[de paix], il était ardemment en lui, comme au fond de toute l'ancienne bourgeoise plébiscitaire et conservatrice. On allait être à bout de sang et d'argent, il fallait se rendre ; et une sourde rancune à l'égard de Paris qui s'entêtait dans sa résistance, montrait de toutes les provinces occupées. Aussi conclut-il à voix plus basse, faisant allusion aux proclamations enflammées de Gambetta : - Non, non ! nous ne pouvons pas être avec les fous furieux. Ça deviendrait du massacre...


J'ai lu jusqu'ici : La Fortune des Rougon (1871) - La Curée (1872) - Le Ventre de Paris (1873) - La Conquête de Plassans (1874) - La Faute de l’abbé Mouret (1875) - Son Excellence Eugène Rougon (1876) - L’Assommoir (1877) - Une page d’amour (1878) - Nana (1880) - Pot-Bouille (1882) - Au Bonheur des Dames (1883) - La Joie de vivre (1884) - Germinal (1885) - L'Œuvre (1886) - La Terre (1887) - Le Rêve (1888) - La Bête humaine (1890) - L’Argent (1891) - La Débâcle (1892) -

Il me reste à lire : Le Docteur Pascal (1893).

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