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[Jouir | Sarah Barmak]
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Sexe: Sexe: Masculin
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Posté: Mar 25 Juin 2024 16:01
MessageSujet du message: [Jouir | Sarah Barmak]
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Entre la dénonciation de la persistance des obstacles sexistes (masculins et féminins) qui se dressent contre la jouissance sexuelle féminine et l'exploration des nouveaux chemins que certaines femmes nord-américaines parcourent dans le but de l'atteindre, cette étude est d'abord un reportage journalistique qui dresse l'état des lieux le plus à jour des connaissances et des pratiques de l'orgasme féminin, notamment par la la voie de la masturbation. Le côté féministe – théorique ou empirique – me semble donc relativement moins prononcé que celui de l'enquête, comportant un nombre important de témoignages et une bibliographie actualisée. Naturellement, surtout dans les deux premiers chapitres qui pourraient compter comme la partie de dénonciation, l'autrice prend position de manière critique : en particulier dans le chap. 2 où « l'oubli » est celui de l'anatomie, de la physiologie et des pathologies du clitoris, organe tout à tour découvert et occulté au moins trois fois dans l'Histoire médicale occidentale depuis Hippocrate. Le chap. 4, qui dépasse tous les autres en envergure, semble presque être une enquête en elle-même, menée avec beaucoup d'esprit et de saine prise de distance, sur toute une série de « pratiques » un peu New Age, et souvent très « sacripantes », brouillant allégrement les frontières des intentions et des disciplines, souvent de façon un peu sectaire, dogmatique, intéressée... Dans cet exposé, le parallèle ainsi que les différences sont opportunément posés avec les mouvements de la contre-culture hippie, mais étonnamment j'ai été déçu de ne trouver aucune référence, même pas une simple petite mention des recherches très controversées de Wilhelm Reich sur l'orgasme, qui s'étaient déroulées un peu plus tôt, dans l'Après-guerre, justement aux États-Unis.
Le dernier chap., qui promettait d'ouvrir sur la problématique plus politique de l'égalité de genre dans la sexualité, ce qui du coup aurait pu réintroduire de la critique féministe dans l'essai, m'a semblé malheureusement assez bâclé : un peu idéologique aussi, avec son idée du sexe comme facteur de bien-être...
L'ensemble est néanmoins globalement informatif et rigoureux, donnant une idée circonstanciée du nouvel air du temps du « féminisme génital », avec tout le poids qu'il assigne au clitoris et à l'éjaculation féminine ; le livre écrit dans un style très agréable, spirituel, intelligent – sans doute bien servi par une traduction tout aussi louable.



Table [avec appel des cit.]

Préface par Maïa Mazaurette [cit. 1]

1. La peur du plaisir – Dans une culture obsédée par le sexe, tout le monde ne se sent pas nécessairement pas à l'aise. [cit. 2]

2. Une histoire de l'oubli – Comment des siècles d'ignorance vis-à-vis de l'anatomie féminine ravagent encore aujourd'hui la santé des femmes – et comment l'une d'elles s'est rebiffée. [cit. 3, 4]

3. Un point fixe dans un monde en mouvement – Qu'est-ce qu'un orgasme, après tout ? Tout dépend si vous posez la question à un scientifique, un poète ou un mystique. [cit. 5]

4. Jouer – Tout ce que veulent les filles, c'est s'amuser. Elles ne font rien d'autre que s'amuser, et cela brouille les limites entre la thérapie, le porno, la santé, le mysticisme et la prostitution. Bienvenue dans ce monde à la fois sans gêne et sauvage, ce monde de l'underground sexuel féminin d'aujourd'hui. [cit. 6, 7, 8]

5. Le plaisir est-il nécessaire ? - L'égalité sexuelle se limite-t-elle vraiment à l'égalité face à la jouissance ? Qu'est-ce qui se cache derrière ce droit au plaisir auquel nous aspirons ?
[en exergue : "La chambre à coucher est l'ultime frontière de la justice sociale.", Drew Deveaux, star du porno transgenre.]



Cit. :


1. [Préface par Maïa Mazaurette] « Si cet éventail sexuel augmente le champ des possibles, il augmente aussi celui du légitime.
Cette question de la légitimité est cruciale parce que les femmes sont encore souvent placées dans une situation qui leur dénie une relation autonome à leur corps et leur sexualité. Parce qu'on leur a répété que leurs plaisirs étaient fondamentalement émotionnels ou irrationnels, parce que Freud a déclaré qu'il n'y avait qu'un seul bon orgasme, passant par un seul bon pénis, parce que même nos contes de fées nous montrent des princesses attendant d'être éveillées par le désir d'un preux chevalier (lequel chevalier n'a manifestement pas reçu le mémo concernant le consentement. [n. de bas de p.]), il perdure jusqu'à nos jours l'idée que ce soit aux hommes d'apporter l'orgasme aux femmes. Une telle préconception n'est sympathique ni pour les femmes... ni pour les hommes.
Si l'on pourrait croire que la société française contemporaine a dépassé ces réflexes, douchons tout de suite ce fringant optimisme : en 2017, 26% des femmes ne s'étaient jamais masturbées. Seules 14% se masturbent toutes les semaines, contre 50% des hommes (chiffres Ifop).
Notamment chez les plus jeunes, l'idée de se toucher – donc de se connaître – continue de susciter le dégoût. C'est-à-dire que, encore aujourd'hui, le mode "par défaut" des femmes, c'est : 1) la haine ou l'ambivalence par rapport à son sexe […] ; 2) la passivité. Les femmes sont en effet censées réceptionner le plaisir plutôt que de s'en emparer. Elles sont supposées subir, plutôt que de considérer la jouissance comme une compétence à acquérir, au même titre que se tenir sur la pointe des pieds ou lancer un javelot. » (p. 16)

2. « On a le droit de se demander si cette quête de l'extase dépasse, ou non, la simple recherche de plaisir hédoniste. A-t-elle vraiment quelque chose à nous apprendre sur la vie des femmes en général ? Est-il pertinent de la rapprocher des écarts de salaire et d'autres inégalités ? Et, d'ailleurs, la question se pose de savoir si le fardeau d'un emploi exigeant et de la maternité ne nous épuise pas trop pour que nous puissions consacrer au sexe le peu de temps qu'il nous reste pour lui ?... Ce que j'ambitionne de prouver à travers ces lignes, c'est que la recherche de l'égalité sur le plan sexuel participe du débat actuel sur le droit des femmes. Elle touche au bien-être, à l'autodétermination et au consentement.
Ceci étant, je tiens à préciser que ce petit livre ne prétend nullement donner un aperçu exhaustif de l'état de la sexualité féminine partout dans le monde en 2016. Mes recherches ont été restreintes aux femmes de ce qu'on nomme communément l'Occident, et plus précisément d'Amérique du Nord. Cela ne signifie pas pour autant que nulle part ailleurs dans le monde les femmes ne trouvent diverses stratégies pour repousser les limites de leur sexualité, y compris dans les pays où les droits des femmes sont menacés ou inexistants. » (p. 36)

3. « La prolifération de Candida albicans dans le corps de Vanessa était un diagnostic très difficile à poser. Il ne s'agit pas de dire qu'un bon docteur aurait dû ou pu le deviner à partir d'un simple examen. Mais ce qui pose question, c'est que les lacunes de notre littérature médicale aient mis des bâtons dans les roues des médecins, qui ne savaient pas par où commencer. Si un élément du corps de votre patiente n'a pas d'existence médicale claire, c'est un problème. Le fait que l'éjaculation féminine soit encore considérée comme un sujet d'étude scientifique très marginal (et ce malgré les études qui se sont enchaînées depuis 1982) qui peine à trouver sa place dans les manuels d'anatomie (et malgré son règne incontesté sur les forums numériques) a quelque chose de franchement grotesque. […] Le statut de "mystère" qu'on s'obstine à vouloir attribuer à l'éjaculation féminine est la preuve du sexisme systémique qui perdure dans le milieu médical. Car, malheureusement, l'exemple de Vanessa n'est qu'une goutte d'eau dans un océan de diagnostics erronés. » (p. 77)

4. « En 2015, l'année de l'orgasme féminin […] avait également vu le lancement d'un site Web éducatif et malin du nom de OMGYES (Oh mon Dieu, oui!). Le but de ce site : faire disparaître l''orgasm gap' (ou écart orgasmique), cette différence monumentale entre le nombre d'hommes ayant des orgasmes au moment des rapports sexuels et le nombre de femmes en ayant aussi. Pour les fondateurs de ce site, cet écart ne reflète rien d'essentiel ou d'immuable : il suffirait de trouver le clito et, pour aider leurs usagers à y parvenir, ils exploitent toutes les informations qu'ils ont pu trouver sur l'anatomie féminine, dans les témoignages des femmes autant que dans les études scientifiques.
[…]
OMGYES est un programme d'entraînement en ligne où des femmes en chair et en os montrent exactement, face caméra, ce qu'il faut faire pour les amener à l'orgasme, et ce à l'aide de techniques spécifiques et faciles à apprendre. Les développeurs […] ont interrogé des centaines de femmes sur ce qui les excite et, avec des chercheurs en sexologie de l'université de l'Indiana, ils ont monté un sondage auquel ont répondu plus de mille femmes âgées de dix-huit à quatre-vingt-quinze ans, sur la manière dont elles procèdent pour se masturber et atteindre l'orgasme. Au bout du compte, trente femmes ont accepté de le montrer en vidéo.
"À l'aide d'un écran tactile interactif, les internautes peuvent également reproduire les mouvements exacts utilisés pour amener les femmes à l'orgasme à l'écran. Grâce à cette technologie, ils obtiennent un feedback en temps réel. En gros, c'est un cours intensif sur le plaisir sexuel féminin", lit-on dans un article de E.J. Dickson sur le site progressiste d'information Mic. Jamais un écran tactile ne nous avait paru aussi utile... » (pp. 78-79)

5. « Le docteur Barry Komisaruk de Rutgers, que nous avons rencontré un peu plus tôt, utilise l'IRMf pour observer l'activité cérébrale au moment de l'orgasme. […] Ces clichés révèlent que, au moment de l'orgasme, le cerveau est comme une symphonie qui s'intensifie, et presque tous les instruments de l'orchestre atteignent un crescendo au summum du plaisir. L'orgasme illumine presque toutes les régions actives du cerveau. L'hypothalamus, tout au centre, commende à l'hypophyse de libérer de l'ocytocine dans le sang, ce qui déclenche des contractions musculaires dans l'utérus – phénomène plébiscité par beaucoup de femmes. L'hippocampe, le centre de la mémoire à court terme, s'active même dans le cerveau des femmes qui peuvent atteindre l'orgasme "par la pensée", sans stimulation physique – ce qui laisse entendre que l'hippocampe joue un rôle dans l'aspect cognitif de l'orgasme […].
Le sexe modifie aussi l'activité électrique du cerveau. Dans une étude menée en 1976 par le chercheur H.D. Cohen, des relevés électroencéphalographiques de personnes se masturbant en laboratoire ont montre que le cerveau, d'abord dominé par les fréquences bêta (ce qui est parfaitement normal en temps d'éveil), subissait une augmentation des fréquences thêta, avec un pic particulièrement élevé au moment de l'orgasme. Comme les fréquences thêta sont le plus souvent observées pendant le sommeil et les périodes de méditation profonde, cette découverte a incité Betty Dodson, grande prêtresse de la masturbation, à écrire dans _Sex for One_ (grand classique de l'onanisme) que la masturbation était une forme de méditation pratique et amusante – sous les cris d'orfraie de certains bouddhistes.
Dans notre cerveau, pendant la montée de l'orgasme, le neurotransmetteur qui détient le premier rôle est aussi responsable de l'état d'euphorie des consommateurs de cocaïne et d'amphétamines : c'est la dopamine. Elle déferle à travers les neurorécepteurs en réaction à une stimulation rythmée et répétitive des organes génitaux et d'autres zones érogènes, éveillant ainsi le cerveau aux stimuli sexuels. La recherche montre que l'action de la dopamine n'est pas vraiment comparable à une espèce d'interrupteur imaginaire qui déclencherait l'orgasme. Elle joue davantage un rôle amplificateur : elle exacerbe l'intensité des signaux sexuels que reçoit le cerveau.
Cela peut expliquer, au moins en partie, les difficultés à créer un Viagra pour les femmes. Il n'existe pas de molécule qui, à elle seule, puisse nous "faire démarrer au quart de tour". » (pp. 87-88)

6. « Des femmes ordinaires cherchent à ressentir davantage de désir et à mieux apprécier le sexe à l'aide de pratiques peu conventionnelles, et certaines découvrent que ce chemin-là est balisé par des traditions orientales ancestrales, quoique édulcorées au point de sembler méconnaissables à une personne vivant en Asie du Sud cinq cents ans plus tôt. Le sexe est-il en passe de devenir une nouvelle drogue de passage vers la spiritualité pour les femmes laïques occidentales, un élément de plus dans cette pile d'échappatoires contemporaines au même titre que le yoga, la méditation, l'acupuncture et les régimes ayurvédiques ? Si tel est le cas, alors nous sommes peut-être en train de vivre une transformation encore plus importante et étrange qu'on ne le croît.
"Cette idée d'une pratique sexuelle sacrée, quelle qu'elle soit – l'idée même que cela existe – semble de plus en plus acceptée", constate Dee Dussault, professeure de yoga et de tantra. Les années 1970 sont derrière nous, et il semble qu'on soit plus ouverts au New Age – et quand je dis 'nous', je parle des Américains du Nord qui ne sont pas particulièrement portés sur la religion ou la spiritualité. Taquine et irrévérencieuse, Dussault se soucie peu de savoir si elle aide ses patients à être en meilleure santé, si elle réveille leur shakti ou si elle les guide vers une extase débridée. » (p. 143)

7. « Beaucoup de membres de OneTaste finissent par se vouer à la méditation orgasmique comme à une pseudo-religion, poursuit l'ancien dirigeant que j'ai interviewé. Et cela, je l'ai moi-même constaté lors d'un événement de recrutement auquel j'avais assisté à San Francisco, une manifestation réglée comme du papier à musique où de jeunes et beaux garçons scandaient des slogans accrocheurs, vêtus de t-shirts sur lesquels on pouvait lire "Je marche à l'orgasme".
Il n'y a finalement peut-être rien d'étonnant à l'émergence de dogmes en tous genres, en cette époque de sexploration. Après tout, les utopies portées par les hippies perchés des années 1960 et 1970 avaient aussi entraîné l'apparition d'un certain nombre de sectes. Dans le phénomène actuel, une chose cependant donne à réfléchir : dès lors qu'il est perçu comme socialement souhaitable, le plaisir féminin peut rassembler à lui seul des foules d'apôtres désireux de lui consacrer du temps et de l'argent. La plupart des sectes promettent au minimum la rédemption messainique grâce à une échappée en soucoupe volante avec nos amis extraterrestres... Le seul argument de OneTaste, c'est le clitoris. » (p. 169)

8. « Le fait de contempler les images et les mots qui leur viennent à l'esprit avec une attention claire et bienveillante amène les participantes à prendre conscience que leur esprit est habité par un discours incessant, et ps toujours des plus positif, bien au contraire : il est bien davantage dans la critique de soi. Et lorsque, un peu plus tard, elles appliquent cet exercice dans des contextes sexuels, elles se rendent compte que cette petite voix fielleuse continue bel et bien de s'exprimer pendant l'amour. […]
La permanence de ce flux de pensées est un obstacle à la satisfaction sexuelle, surtout si lesdites pensées sont négatives. "Est-ce qu'on voit mes bourrelets ? Faudrait peut-être éteindre la lumière. Pourquoi c'est pas agréable, ça ? Rhaa, ça me prend trop de temps, j'y arrive pas. Je vais lui dire de terminer. Je suis sûre qu'il s'ennuie. Pourquoi je fonctionne pas à ce niveau-là ?"
"Les changements physiques qui s'opèrent dans notre corps en accompagnement de pensées de ce type entrent directement en concurrence avec l'excitation sexuelle", a expliqué [la Dr.] Brotto [univ. de Colombie-Britannique] à l'un de ses groupes. L'excitation se situe à un autre niveau de notre cerveau, sur les systèmes nerveux sympathique et p arasympathique.
Si les femmes se laissent trop emporter par leurs pensées pendant le rapport sexuel, il peut se produire ce que Masters et Johnson appellent le "spectatoring" : plutôt que d'y participer vraiment, elles se retrouvent spectatrices de leur propre rapport. » (pp. 177-178)

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