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[Les couvertures de livres | Clémence Imbert]
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Posté: Mer 04 Oct 2023 23:18
MessageSujet du message: [Les couvertures de livres | Clémence Imbert]
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Clémence Imbert, docteure en esthétique et spécialiste en histoire du graphisme et de l'art moderne, nous fournit dans ce « beau livre » une histoire graphique des couvertures de livres qui succédèrent aux reliures en cuir au cours du XIXe siècle. Bien que cette histoire se déroule globalement chronologiquement, la scansion dans ses six chap. la présente de façon thématique, selon les typologies de couvertures : la couverture papier héritière des cartonnages, la couverture typographique, la couverture illustrée (notamment dans le livre de poche), la couverture photographique, la couverture dénotant une collection et enfin la couverture iconographique. Très abondamment illustré, le livre présente et analyse des couvertures emblématiques venant non seulement de l'édition française, mais également, à foison, de l'américaine et britannique, soviétique, italienne, espagnole, allemande, est-européenne... Certains grands noms d'illustrateurs, de maisons d'édition et de collections célèbres s'imposent, qui ont marqué d'une empreinte incomparable les couvertures de milliers d'ouvrages immédiatement reconnaissables. Certains phénomènes de mode ont disparu ou réapparu cycliquement, tels le dessin ; par conséquent, se manifestent à la fois des esthétiques typiquement nationales et des influences réciproques entre pays. Toujours, la question se pose de savoir si la couverture, à l'instar de n'importe quel autre instrument publicitaire, est déterminante pour l'achat du livre au détriment du jugement sur les qualités du texte, et toujours cette question a provoqué l'hostilité, contre la couverture, des tenants de la culture légitime. L'autrice suggère l'hypothèse qu'il faille « inverser la cause et l'effet et envisager qu'on ne rencontre de bonnes couvertures que sur les livres dont l'éditeur savait, à l'avance, qu'ils allaient bien se vendre, et dont il peut justifier et amortir » les coûts d'une couverture remarquable (p. 11). Dans le même ordre d'idée, il apparaît que, durant la plus grande partie de son histoire, la couverture est allée de pair avec la démocratisation du livre et spécifiquement avec la diffusion du poche : il semblerait que l'avenir puisse inverser cette situation...



Table [et appel des cit.] :

Introduction [cit. 1]

1. Vers la couverture moderne :

- La reliure et les cartonnages [cit. 2]
- La longue émergence de la couverture papier
- Interlude : Dos

2. En lettres capitales :

- Le titre en majesté. La couverture typographique française [cit. 3...]
- Le plomb et la plume : le poids des mots [… suite de cit. 3]
- Interlude : Les bavardes

3. Une image pour mille mots :

- Sensationnels paperbacks [cit. 4]
- Le livre distillé
- Interlude : Portraits d'auteurs

4. Le triomphe de la couverture photographique :

- Du roman de gare à l'avant-garde [cit. 5]
- Collages et natures mortes photographiques
- Interlude : Photo-graphismes

5. Un air de famille. Couvertures et collections :

- Géométries variables [cit. 6]
- La couverture montre patte blanche [cit. 7]
- Interlude : Étiquettes

6. La couverture : une image parmi les images :

- L'avènement des iconographes [cit.8]
- Le livre et les pixels [cit. 9]

Épilogue : le retour de l'objet livre [cit. 10]


Cit. :

1. « L'offre dépasse rapidement la demande, et la couverture s'impose comme une arme indispensable pour mener bataille dans l'arène que sont devenues les tables des libraires. Les lieux de vente des livres se diversifient et se transforment : dans l'échoppe du libraire, les volumes dont on ne voyait autrefois que le dos et que l'on commandait au comptoir sont désormais disposés sur des étals horizontaux et offrent à la vue des chalands leur premier plat comme autant de petites affiches miniatures.
Se distinguant de la reliure et des formes sommaires de brochures et d'emballage de papier qui avaient jusqu'alors protégé et identifié les livres, ces nouvelles couvertures doivent donner une forme synthétique et séduisante au sujet de l'ouvrage, avec pour objectif plus ou moins affiché d'en stimuler la vente. En la matière, les stratégies les plus diverses auront cours : du racolage actif à l'air respectable de ne pas y toucher, du tirage monumental à l'illustration impressionniste, de la narration explicite au symbolisme suggestif.
Qui en décide ? L'éditeur, qui appose sur la couverture son nom, son monogramme ou son logotype, y affiche son identité selon ce qui peut s'apparenter à une véritable stratégie de marque. La naissance et l'essor de la couverture accompagnent en effet celle de cette nouvelle figure du monde des lettres, dont le métier s'est détaché, à partir du XVIIIe siècle, de ceux de l'imprimeur et du libraire. En prenant la main sur l'apparence des livres, l'éditeur affirme son existence et son pouvoir. » (pp. 10-11)

2. « Comme de nombreux produits industriels méprisés par les élites culturelles et intellectuelles, les cartonnages romantiques ont surtout le tort de reproduire, avec des techniques devenues mécaniques, l'aspect des livres précieux de facture artisanale qui avaient été pendant des siècles le privilège de la classe dominante. On rencontre ainsi sur les cartonnages de l'époque romantique (1840-1870), dans une profusion peu orthodoxe, les ornements traditionnels de la reliure sur cuir – arabesques, décors de feuillages et de fleurs – ainsi que certains effets de composition, comme les cadres à écoinçons (petits ornements placés en encoignure), les compartiments ou l'utilisation des frises pour souligner les bords. S'ajoutent cependant à ce vocabulaire visuel pluriséculaire des éléments nouveaux. La percaline et le papier étant plus faciles à imprimer que le cuir, on voit se développer sur les couvertures des recherches graphiques sur le titrage (avec l'apparition des lettrines ornées) et la création de véritables illustrations de plus en plus adaptées au contenu du livre et progressivement reproduites en polychromie. » (pp. 33-34)

3. « Avec leur bon goût typographique, leur discrétion sans fausse note, les couvertures typographiques françaises ont survécu à l'irruption de l'image dans le marketing du livre et, par leur persistance, elles sont devenues des emblèmes d'un rapport au texte littéraire volontairement détaché de la mode. Dans ce répertoire assez restreint (texte sur papier uni), certains éditeurs rafraîchissent régulièrement, depuis les années 1960, le modèle de la couverture "tout typo", en allant chercher par exemple du côté de l'asymétrie, comme les couvertures de Christian Bourgois […]. La grande tendance des couvertures françaises de la fin du XXe siècle est l'alignement du texte à droite, et des combinaisons chromatiques plus ou moins inspirées.
[…]
Même si elles n'ont acquis nulle part le caractère systématique qui est resté le leur en France, les couvertures blanches ornées des seules lettres composant le titre et le nom de l'auteur ne sont pas une spécificité française. Dans tous les pays, dans toutes les langues, des compositions semblables ont été régulièrement utilisées aussi bien pour les couvertures papier de livres brochés que pour les jaquettes recouvrant des volumes à couverture rigide. Ces formes très classiques de couverture, centrées et composées dans un caractère unique, vont être chamboulées avec l'apparition de formes littéraires expérimentales, qui empruntent aux propriétés typographiques du texte de nouveaux moyens d'expression. Et si c'est essentiellement autour de la poésie et dans le petit monde de l'avant-garde artistique que cette révolution graphique prend forme, elle va bientôt s'appliquer à tous les genres et à tous les publics. » (pp. 71, 73)

4. « On les pensait jetables. Surprise : les Français conservent et collectionnent leurs poches dont les dos chamarrés s'alignent désormais fièrement dans les bibliothèques. Mais dans certains milieux intellectuels, on s'inquiète. Cette accélération du phénomène du poche va à l'encontre d'une image de la littérature profondément enracinée dans les habitudes culturelles nationales. Qu'elle puisse devenir l'objet d'une course au petit prix, un produit de plus dans le grand bazar de la société de consommation, emballé "comme la savonnette et le bas nylon", voilà qui ne passe pas. Henri Michaux, Julien Gracq refusent de paraître en poche, tandis qu'Hubert Damisch condamne dans _Le Mercure de France_ cette "culture de poche", ces livres qui ne donnent pas l'illusion, par l'acte d'achat, de s'approprier un peu de la "grande" culture […].
Ce qui choque surtout les détracteurs, c'est que la littérature puisse s'offrir sous la forme si pauvre de ces livres à petits prix, mal imprimés sur du mauvais papier et dont les pages se détachent en quelques mois d'une couverture volontiers tapageuse. Cette couverture, on lui reproche en particulier de ne plus protéger "la parole enclose dans le livre", comme un temple sacré, "renfermant, dissimulant" son secret ; au contraire, elle fait du livre "un objet bavard, qui interpelle le lecteur". Dans ce régime d'une culture faite spectacle, ce que l'on fait désirer au lecteur devenu consommateur, ce n'est plus le texte, mais "des images brillantes, et coloriées, laquées (auxquelles le glaçage donnera les apparences de la transparence de l'évidence)". » (pp. 116-117)

5. « Alors qu'on dispose dès le milieu du XIXe siècle des moyens de la reproduire facilement, et que le succès de la presse illustrée et des photo-reportages prouve son efficacité commerciale, la photographie n'apparaît que bien tard en couverture des livres. Pour les éditeurs littéraires, elle est vulgaire, trop explicite, trop littérale. Elle donne à l'univers imaginé par l'écrivain et projeté par le lecteur sur l'écran de son esprit une forme trop définie, aux contours trop nets. Indissociable du réel qu'elle enregistre sur la pellicule, et limitée techniquement à une reproduction en noir et blanc, l'illustration photographique peine à égaler la fantaisie colorée qui faisait le succès des couvertures dessinées. Pour s'imposer, il lui faudra jouer d'autres effets de séduction... » (p. 143)

6. « Chez The Albatross, les différentes couleurs renvoient moins, elles, à des genres littéraires qu'à différents types de légitimité littéraire : les romans d'aventures et les policiers se trouvent ainsi parés du même rouge, qui signale la littérature de divertissement, que les lecteurs plus exigeants laisseront de côté pour faire le choix d'un roman psychologique sous couverture jaune. Ces choix chromatiques se réfèrent parfois à la symbolique traditionnelle ou plus subjective de certaines couleurs : le rose tendre est ainsi tout désigné pour la littérature pour enfants. Les éditeurs de la collection "I Corvi" avaient associé, eux, à chacune des douze teintes de couvertures de la collection un genre d'émotion ou de caractère littéraire, décrits par les éditeurs en termes presque poétiques : "Le rouge écarlate (vivacité d'action et intensité des sentiments) pour les romans d'amour, intimiste et psychologique […] ; le bleu ciel (horizons, vagues, mirages, couleur nostalgique) pour les voyages, les journaux intimes, les romans ésotériques et folkloriques […] ; l'ivoire (couleur des vieux papiers imputrescibles) pour les classiques du roman, de la poésie et de la philosophie."
Penguin ne mobilise pas ces symboliques traditionnelles. Il s'agit plutôt d'un choix stratégique, qui se porte sur des couleurs qui n'existent pas déjà sur les étals des libraires : ce seront l'orange vif, le bleu roi et le vert bouteille – qui identifient respectivement la fiction, les biographies et les policiers. À ces teintes s'ajoutent d'abord le rose cerise pour quelques récits de voyage et d'aventures, puis le bleu ciel qui habille les livres de non-fiction (essais, livres d'histoire, de sciences, etc.) […] » (pp. 187-188)

7. « Les mises en page qui pouvaient paraître fraîches et modernes dans les années 1960 se démodent : Penguin, Fischer et DTV abandonnent dans les années 1980 un style suisse rebattu et désormais perçu comme trop austère, trop intellectuel et trop froid. Leurs nouvelles couvertures, si elles conservent la force du fond blanc, adoptent à nouveau les caractères à empattement. L'autre grande évolution du graphisme des poches concerne l'iconographie, avec la disparition progressive de l'illustration dessinée au profit d'images "de seconde main", photographies et reproductions d’œuvres d'art, dénichées par les iconographes. Car le graphisme du poche est, plus que pour toute autre forme éditoriale, le témoin de son époque, et les années 1980 sont celles d'un basculement dans une société de l'image. » (p. 213)

8. « En 2010, pour la couverture de l'édition de poche de _La Carte et le Territoire_ de Michel Houellebecq, les éditions J'ai lu choisirent la photographie d'une œuvre de land art de Nils-Udo. Gros tirage, le livre se vendit partout, affichant sa couverture grise et rouge. Curieux pari sur l'amnésie des lecteurs, Albin Michel et Flammarion utilisèrent la même image neuf ans plus tard, en couverture d'un livre de diffusion équivalente : le dernier Michel Onfray [_Sagesse_] ! » (p. 237)

9. « Se détacher des outils informatiques, c'est aussi refuser la suprématie des couvertures et jaquettes photographiques avec leurs images retouchées et lissées. On assiste ainsi, ces dernières années, au retour de techniques de calligraphie ou d'illustration plus artisanales (peinture, aquarelle, linogravure, notamment) que les années 1980 et 1990 avaient démodées. Le phénomène concerne aussi la France, où le goût du "fait-main" se manifeste sur les couvertures de jeunes maisons qui ont su, par ce parti pris audacieux, attirer l'attention des libraires et des lecteurs. » (pp. 252-253)

10. « La lecture sur écran n'a pas pour autant signé, comme certains ont voulu l'annoncer, la mort du livre papier. Au contraire, elle a amené les éditeurs à se soucier plus activement de la matérialité du livre, pour en faire plus qu'un simple support du texte : un bel objet que le lecteur pourra souhaiter emporter chez lui, conserver, collectionner. Sauver les livres d'une dématérialisation totale, sous la forme de fichiers sans poids et sans odeur : telle semble être la mission des couvertures du XXIe siècle. Le phénomène concerne aujourd'hui aussi bien les petites maisons indépendantes que les grands éditeurs et constitue une tendance profonde où se dessine l'avenir de la couverture telle que nous la connaissons.
Car le livre ne s'expose plus aujourd'hui aux mêmes dangers qu'hier. Et la couverture ne le protège plus seulement des frottements, de la poussière et de l'humidité. Elle le garde désormais contre un ennemi plus pernicieux : sa dissolution dans un univers d'expériences de plus en plus virtuelles. La couverture reste ainsi indispensable pour signaler l'existence de textes "à part". Dans un monde où la lecture quotidienne procède par rebonds, digressions, dérives (on parlait de "surf" aux débuts d'Internet pour décrire ce vagabondage au fil des liens hypertextes), la couverture (y compris sous la forme d'une image numérique) continue de marquer le seuil d'un texte pensé comme définitif et autonome – une œuvre. » (pp. 256, 259)

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