Logo Agora

 AccueilAccueil   Votre bibliothèqueVotre bibliothèque   Ajouter un livreAjouter un livre   FAQFAQ   RechercherRechercher   ForumsForums 
 MembresMembres   GroupesGroupes   ProfilProfil   Messages privésMessages privés   ConnexionConnexion 
    Répondre au sujet L'agora des livres Index du Forum » Littérature générale    
[L’Homme qui rit | Victor Hugo]
Auteur    Message
Franz



Sexe: Sexe: Masculin
Inscrit le: 01 Déc 2006
Messages: 1996
Localisation: Nîmes
Âge: 64 Lion


Posté: Dim 19 Déc 2021 18:42
MessageSujet du message: [L’Homme qui rit | Victor Hugo]
Répondre en citant

Quand les âmes sombrent.
Aborder l’austère monument hugolien par L’Homme qui rit peut paraître audacieux quand le lecteur est en mesure de se noyer avant d’en avoir terminé avec les 838 pages, plus exactement 717 pages si on ne conserve que le texte intégral et que l’on met de côté l’introduction, l’avertissement et le dossier en fin de volume. En revanche, les notes enrichissent utilement le texte mais il faut d’abord écouter ce que dit la « bouche d’ombre » : « Ursus et Homo étaient liés d’une amitié étroite. Ursus était un homme, Homo était un loup. » Voilà comment la folie hugolienne commence, par un contre-pied, l’homme a un nom de bête et inversement car Homo hominis lupus (« L’homme est un loup pour l’homme ») selon Plaute, commenté par Erasme, développé par Bacon et Hobbes. L’érudition de Victor Hugo est ahurissante. Elle infuse la moindre phrase. La richesse du vocabulaire est prodigieuse. Elle étourdit aussi et peut donner la nausée par gavage. Il faut s’accommoder. Le lecteur en perd son latin alors que l’intrigue peine à se mettre en place mais est-ce si important ? D’abord Hugo consacre le premier chapitre à Ursus puis aux comprachicos, sinistres kidnappeurs, mutilant et vendant les enfants. Le livre premier débute enfin après plus de trente pages introductives avec le débarquement dans la nuit d’un enfant hagard à la pointe sud de Portland, dans les Îles britanniques. Même dans la description d’une errance hallucinée, l’auteur ne peut s’empêcher de commenter, renchérir, digresser. Le lecteur subit le verbe hugolien, déversoir magmatique, logorrhée incantatoire que des visions du sublime et de l’invisible transpercent et transcendent. Hugo se veut romancier, homme de théâtre, peut-être philosophe, il est avant tout poète visionnaire. Son écriture est baroque tant le mouvement est exagéré, alenti pour être mieux capté, décrit, surchargé jusqu’à l’outrance. La pompe hugolienne aspire à la grandeur en s’appuyant sur le monstrueux et l’effroi. Comme l’écrit l’auteur dans « William Shakespeare : « Tout homme a en lui son Patmos [île grecque où saint Jean rédigea « L’Apocalypse »] cet effrayant promontoire de la pensée d’où l’on aperçoit les ténèbres ». L’œil de Victor embrasse les ténèbres fracassantes et l’opiniâtreté de la vie chétive depuis l’isthme de Portland. Dans la première partie, Gwynplaine, enfant hagard de dix ans, au visage mutilé, est laissé sur le rivage de Portland par des marchands d’enfants. Alors qu’il tente de rejoindre la ville portuaire, il doit affronter la nuit, la neige et la mort. Quant aux comprachicos responsables de sa difformité, ils prennent la mer déchaînée et sombrent corps et âmes. Juste avant leur engloutissement, ils consentent à faire les aveux de leurs crimes glissés dans une bouteille jetée à la mer. A proximité d’un gibet, l’enfant découvre le cadavre d’une femme portant encore contre son sein un bébé toujours vivant. Gwynplaine prend le bébé et atteint finalement Portland dont toutes les portes demeurent closes à l’exception de la roulotte d’Ursus qui les accueille in extremis. Au matin, Ursus découvre la mutilation de Gwynplaine et la cécité du nourrisson. Ursus adopte les deux enfants abandonnés. Il leur inculque ses vastes connaissances et monte un spectacle itinérant qui finit, au fil des années, par rencontrer le succès et attiser les jalousies. Gwynplaine devient l’objet de convoitises. La tragédie est en marche.
Hugo englue le temps dans sa logorrhée, enclot l’espace dans la Green Box, la roulotte des saltimbanques, dans la nuit d’hiver, les cachots souterrains, les palais fermés, isole et esseule ses personnages, marie les contraires, accumule les contraintes, exacerbe les contritions. Le rire plaqué est un masque réversible selon les humeurs. Il peut contredire la teneur d’un propos au grand dam de Gwynplaine. L’amour est un don, invisible, perceptible au-delà des yeux, par la vibration de l’être. Dea, ignorant sa face monstrueuse, aime l’âme de Gwynplaine. L’homme qui rit adore Dea mais l’amour platonique est mis à mal par le désir charnel et la soif de reconnaissance. Si « L’homme qui rit » n’est pas une lecture facile, elle n’en demeure pas moins inoubliable.
« Le difforme est l’envers du sublime ».

----
[Recherchez la page de l'auteur de ce livre sur Wikipedia]
Voir le profil de l'utilisateur Envoyer un message privé absent
Montrer les messages depuis:   
 
   Répondre au sujet  L'agora des livres Index du Forum » Littérature générale
Informations
Page 1 sur 1
 
Sauter vers:  
Powered by phpBB v2 © 2001, 2005 phpBB Group ¦ Theme : Creamy White ¦ Traduction : phpBB-fr.com (modifiée) ¦ Logo : Estelle Favre