Du rempaillage au « canage ».
Refaire l’assise d’une chaise peut coûter cher au rempailleur dès lors qu’il est gitan et travaille à proximité du lieu où un meurtre atroce a été commis. Joseph Kreil est immédiatement soupçonné de l’assassinat d’Edmond, paisible retraité, mutilé et dagué au cœur avec un coupe-papier effilé. Sa chaise fraîchement cannée trône sur la scène du crime. Le commissaire Duvert part bille en tête sur la piste du crime rituel imputable aux Gitans et enjoint fermement l’inspecteur Puymichel d’adhérer à sa thèse. Commence une enquête d’autant plus flottante que l’inspecteur n’est pas convaincu par la culpabilité de Kreil et consorts. Il va devoir ramer contre sa hiérarchie et accélérer la cadence d’autant que le meurtrier ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.
Jean-Paul Demure, écrivain de romans policiers et scénariste de séries télévisées françaises a produit au moins un chef-d’œuvre avec « Fin de chasse » (Rivages, 1998) et son inoubliable facteur Vidal, personnage taiseux et mélancolique. Avec « Le fils du vent » (Gallimard, 1983), le romancier s’intéresse à nouveau aux « gens de peu » aguerris aux rudesses de l’existence. Les Gitans subissent les a priori et concentrent les soupçons sans fondement. L’inspecteur Puymichel est un Jean-Baptiste Adamsberg avant la lettre, nonchalant et bredouillant, rêveur et incertain mais intuitif, sensible et décisif. Ses joutes suspendues avec le commissaire Duvert sont amusantes. Le ton du roman est à la légèreté, frisant la désinvolture mais le fond est indubitablement noir. Jean-Paul Demure a de l’empathie pour les humbles, les pauvres, les laissés-pour-compte : « Vous voyez, monsieur l’inspecteur, les femmes n’existent pas beaucoup. Mais quand elles sont vieilles, elles n’existent plus du tout. Il m’a répété méchamment que j’étais vieille, vieille, comme si ça expliquait tout ». Le roman file et dénoue son intrigue dans un mouvement fluide et bien mené. Déniché dans une boîte à livres parmi des vieux titres défraîchis et des couvertures racornies, « Le fils du vent » est une belle trouvaille avec sa couverture noire sur liseré jaune et sa publicité pour le parfum Balafre de Lancôme en quatrième de couverture, toute une époque aujourd’hui révolue.

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