Un tigre dans le retors.
Le casse de la Caisse rurale des Marches aurait dû rouler sur du velours et rapporter ses milliers d’euros banco mais c’est sans compter avec les appétits de lucre des hommes et les ratés de l’entreprise. Renato Massa, dit René, se fait poisser par les carabiniers alors que ses trois comparses prennent la fuite avec le magot. Franco, le chef du gang, voit rouge quand il s’aperçoit que les 175 000 € du larcin disparaissent à leur tour. D’observations fines en déductions avisées, Franco commence à dévider une pelote viciée où les banquiers véreux, les mafieux féroces et les faux policiers mènent le bal des maudits. Parallèlement, des politiciens mettent en place une sordide opération d’épuration sociale visant l’élimination physique des personnes âgées. Diego Massa, obscur employé d’une caisse de retraite, va être sollicité pour participer au tri des dossiers et au choix des victimes.
Dans ce roman noir d’Antonio Manzini, vif et percutant, le jeu de dupes s’emboîte impeccablement. Même si la machination est abjecte, c’est bien le tréfonds des âmes qui perturbe et percute le lecteur et les personnages. L’écrivain a soigné son intrigue. Les protagonistes sont crédibles. Les dialogues sont enlevés. Les courts chapitres enchaînent les scénettes et les passe d’armes qui pourraient presque se suffire à elles-mêmes tant elles sont réussies (voir notamment l’enterrement de Maria Turrini dans son luxueux cercueil « Rêves d’or »). Elles finissent pourtant par constituer un tableau pénétrant et cohérent d’une société à la dérive dont les valeurs humaines s’effondrent à mesure que l’argent gangrène les cœurs. La traduction du titre, bien qu’évocatrice, ne rend pas vraiment compte du titre originel : « le manège des hamsters », curieux animal de compagnie et de laboratoire, capable de dévorer ses petits et increvable, encagé, avec ses sprints en surplace dans sa roue de plastique. Enfin, le résumé en quatrième de couverture sonne faux quand il compare les quatre bandits à des « bras cassés » et les frères Massa à des personnes « pas bien dégourdies ». Au contraire, ils concentrent à eux deux tout le suc amer de la tragédie humaine. Premier roman de Manzini, « La course des rats » est une réussite totale. Farcesque et violente, à l’italienne, l’histoire en dit long sur les errements humains et les conclusions dérisoires mais la geste humaine a parfois des flamboiements et du panache. D’une fin glaçante et débridée, Antonio Manzini, dans une ultime phrase, réussit à panser la plaie béante de la vie.
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