En lisant ce recueil bilingue (persan-anglais) de poèmes de Siavash Kasrai (1927-1996), un classique de la poésie persane contemporaine, je n'ai cessé de chercher des parallèles avec Nâzım Hikmet, poète turc son aîné d'une génération mais dont le parcours fut semblable : adhésion au parti communiste, exil et fortune en URSS. La biographie de Kasrai a été plus tourmentée : déjà persécuté sous le shah dans les années 50, réprimé durement suite à la Révolution islamiste, il s'exila d'abord dans l'Afghanistan occupé en 1983, puis à Moscou en 1987 et, après avoir assisté à la fin de l'Union soviétique et s'être lui-même retiré du parti en 1990, il a fini ses jours à Vienne. Pour me conforter, j'ai trouvé un poème (« Belief ») dédié à Hikmet à l'occasion de sa disparition, mais pas grand chose d'autre. Hormis les premiers poèmes du recueil, dont « Road Workers », en effet, et quelques poèmes de circonstance qui se trouvent dans les 50 dernières pages du livre, tel le poème éponyme « As Red ad Fire, Tasting of Smoke », « From Curfew till Dawn », « The Inevitable War », « Martyrdom of the Candle » dédié au leader irlandais Bobby Sands, « Hiroshima » dédié aux victimes de la bombe, et quelques autres, rares sont les textes reconnaissables comme sortis de la plume d'un poète communiste, ou même seulement d'un homme engagé. À moins que les références ne soient particulièrement bien cachées ou méconnaissables en-dehors du contexte culturel d'origine.
À ce propos, je me pose la question pour le long poème épique intitulé « Arash the Archer », pp. 57-91, œuvre datée de 1959 qui apparemment surpasse en célébrité tout le reste de sa production : il s'agit d'une transcription en vers libres de la geste d'une figure héroïque de la mythologie persane de l'époque des campagnes d'Alexandre le Grand : on pourrait croire à une démarche nationaliste plutôt que communiste.
Pour le reste, les thématiques, les formes, les métaphores sont si variées qu'il m'est impossible de les regrouper ; de plus, souvent les images me paraissent hermétiques et je suppose qu'il doit exister des éléments rythmiques, des assonances ou peut-être même des harmonies calligraphiques qui, malgré la richesse évidente et le soin incontestable de la traduction, n'ont pas pu être rendus.
En ce qui concerne tous les attributs de l'objet livre, ses qualités sont identiques à celles que j'ai vantées dans ma critique de : My Country, I shall Build You Again par Simin Behbahani ; en effet, les deux volumes appartiennent à la même collection.
Cit. :
« […] Those were strange times,
bitter and dark times.
Our fate like the face of our foes dark ;
enemies upon our lives triumphant.
The struck city was delirious ;
on its lips were terrible tales.
Life was cold and dark as stone ;
day of infamy,
days of shame.
[...] » (p. 65)
« There once was a man in a fabled country
famed for saying no :
Do you want fame ? - No
Do you seek pleasure ? - No
Do you not want a golden crown on your head ? - No
Do you not want a silver robe to wear ? - No
Do you share our faith ? - No
Do you share our thoughts ? - No
No to every voice that rose,
no to every head that sank,
no to every cup that was raised,
no to every point that was praised,
no to every coin that was current.
One day they handed him a mirror :
- Do you know him ?
- Oh yes, it is he,
I know him.
They said he is mad.
They stoned him. » (pp. 161-163)
[Incipit de « As Red as Fire, Tasting of Smoke »]
« O blessed word, freedom !
With all these wrongs,
with all our defeats,
will you in my lifetime be born ?
Will you blossom o hidden flower ?
Will you one day dwell in my poetry ?
Will you grow together with my children ?
O hidden seed,
will your tree
someday in this desert canopy over us ? » (p. 175)
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